Photo du bord Solidaires en Peloton
Édition 2023 09 novembre 2023 - 10h56

Après le remue-ménage, place au remue méninges…

Ponctuée par de nombreux faits de course - 2 abandons déclarés (STAND AS ONE et Primonial) et 9 pit-stop ou escales en cours (dernière en date ce matin, celle du Class40 Legallais) - la tonitruante journée d’hier fait place à un jeudi plus tactique sur l’Atlantique.
90% de la flotte de la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre navigue en file indienne du milieu du golfe de Gascogne à la latitude de Madère et commence à penser ou à négocier les hautes pressions qui balisent bizarrement la route vers le Sud. Les voiles de portant ont déjà fait leur apparition chez certains mais l’alizé n’est pas pour tout de suite. En revanche, chez les ULTIM, le grand bord de portant vers la Martinique a commencé pour tous désormais. Et le duel en tête donne toujours lieu à des rebondissements avec un Maxi Banque populaire XI très en verve depuis hier.

ULTIM : Duel au soleil

En peine pour suivre SVR Lazartigue au près dans le medium et sans doute piqué au vif de l’avoir vu enrouler en tête l’île d’Ascension hier, Maxi Banque Populaire XI a charbonné toute la nuit. Les deux leaders sont repartis au portant après leur dernière marque de parcours en navigant à plus de 35 noeuds de moyenne de longues heures ! Et ce matin, Maxi Banque Populaire XI a repris la tête et contrôle désormais son concurrent par dessous. « On avait déjà trouvé le bon réglage sur la descente de l’Atlantique au portant et là ça va bien confirmait Sébastien Josse ce matin à la vacation. L’adrénaline nous maintient après ces douze jours de course, ce n’est pas tous les matins que tu vis un duel comme celui-là !» 

Le vent va se renforcer sur l’avant de la flotte des ULTIM aujourd’hui, alors qu’à 600 milles derrière, Sodebo Ultim 3 et Actual Ultim 3 qui vient d’enrouler Ascension, se retrouvent dans une autre course. Toujours à l’affût à 140 milles des leaders, Maxi Edmond de Rothschild peut encore espérer recoller, notamment si les deux échappés  ne maintiennent pas leur machine à 100%.

Les 2500 milles qui restent à courir  ne vont d’ailleurs pas être de tout repos avec beaucoup de manoeuvres le long de la zone d’exclusion brésilienne et l’entrée dans l’alizé de l’hémisphère Nord au programme demain : « Quand je vois le nombre d’empannages qu’il nous reste le long du Brésil, la ligne droite n’est pas pour tout de suite. Ça peut se jouer sur chaque manoeuvre, chaque petit grain » confiait le co-équipier d’Armel Le Cléac’h déterminé à ne rien lâcher. ETA toujours le 12 novembre pour ce match dont l’issue peut se jouer jusqu’en baie de Fort de France…

 

IMOCA : Au Sud pour préserver les machines ?…

« C’était tonique et assez violent ce premier front avec 43 noeuds dans les rafales. La mer était croisée. Le pire était la sortie de front où le vent a tourné brutalement. Le premier tiers de la descente du golfe, on était un peu sur les freins. (…) Le but était de s’échapper dans cette mer croisée, (…) on gère le bateau même si des fois c’est ingérable ! » Franck Cammas qui en a vu d’autres, ne faisait pas de mystère sur le caractère extrême d’un passage de front sur ces IMOCA volants. Il faut toute l’expérience de binômes comme celui qu’il forme avec Jérémie Beyou pour aller vite sans tout casser et se retrouver aux avant-postes avec 25 milles d’avance ce matin à l’heure des premiers choix. Car après 48 heures dans la machine à laver, le vent a nettement molli et si la mer reste croisée, il faut maintenant passer du temps à la table à cartes sur ces monocoques qui ne sont pas routés. Car comme le confirmait Thomas Ruyant qui ne lâche rien lui non plus et pointe à la troisième place sur For People, « les débuts de transats ne sont jamais simples, mais la météo de celle-là est particulièrement compliquée et les modèles changent encore beaucoup » 

Chacun va devoir arbitrer aujourd’hui entre repiquer un peu dans l’ouest pour se dégager des zones de molles au large du cap Saint Vincent ou chercher le trou de souris au ras des côtes portugaises avec beaucoup d’aléas. Un arbitrage où l’aspect matériel prend toute son importance comme le notait Franck Cammas : « On pense être rapides dans les conditions ventées, mais enchaîner les fronts au dessus de 35 noeuds, ça sollicite beaucoup le bateau. Alors, on réfléchit ! »

Au vu du bilan matériel, il y a fort à parier que c’est dans un entre-deux météo que chacun va chercher à progresser. Un peu d’ouest sans doute et surtout beaucoup de pilotage pour exploiter tout ce qui est possible pour gagner le sud. Avec Paprec Arkéa, dans une position médiane intéressante, c’est un match à trois en tête qui se profile, même si le groupe de poursuivants emmené par Teamwork.net à une cinquantaine de milles peut largement profiter des opportunités d’un schéma météo aléatoire.

A noter qu’en queue de flotte, certains comme Singchain Team Haikou et tous ceux qui repartiront de leur escale dans les ports de l’ Atlantique n’en ont pas fini avec le mauvais temps…

 

Ocean Fifty : Madère ou Maroc ?

C’est un autre théâtre d’opérations dans lequel évoluent les Ocean Fifty. Partis de Lorient 24 heures plus tôt que les IMOCA, les trimarans de 50 pieds viennent de franchir la dorsale à la latitude de Gibraltar et peuvent commencer à penser à leur descente vers l’alizé. « Le jeu, c’est d’aller dans l’ouest à la fois pour contrôler Viabilis et bien se positionner par rapport aux Canaries quand le vent va reprendre de la droite » expliquait d’une bonne voix Thibaut Vauchel-Camus. Sur Solidaires en Peloton, toujours leader ce matin. Ce n’est qu’une fois parée Madère et à mi-chemin entre l’île portugaise et les Canaries que les alizés s’installeront réellement pour les Ocean Fify, même si  le leader notait « déjà des pointes à plus de 30 noeud sur un patin ». « On va beaucoup barrer mais il faut veiller à ne pas se mettre dans le rouge » ajoutait Thibaut qui « commence juste à  bien récupérer de la sortie du golfe de Gascogne ». 

Alors que Koesio en escale à La Corogne a annoncé sa volonté de reprendre la mer vendredi, il sera intéressant de suivre la trace de Réalités, troisième à 125 milles du leader. Dans cette position de poursuivant et en sortie de dorsale, la tentation sera sans doute grande pour Fabrice Cahierc et Aymeric Chappellier, décalés dans l’est, de tenter l’option des côtes marocaines où le vent est annoncé plus fort. Une voie étroite où il faut multiplier les empannages, veiller les petits bateaux de pêche pas toujours éclairés et arriver à se frayer un passage dans l’est des Canaries. Tout un programme…

 

Class 40 : Deux triplettes en pointe

Toujours scindée en deux groupes, dont le premier évolue au large de Lisbonne, la flotte des Class40 commence à respirer un peu. Pas épargnés par les avaries, les leaders ont déjà sorti les voiles de portant et lofent sur la route dans un vent de nord pour rester rapides à l’approche d’une première zone de molle attendue aujourd’hui  « On essaie de contourner une première petite dorsale. Il va falloir ensuite traverser une zone de vent foireux pour tomber sur la véritable dorsale qui commande l’entrée dans l’alizé » expliquait ce matin Nicolas D’Estais, deuxième sur Café Joyeux. En fait, la zone de haute pression se décale au sud et va accompagner pour un bon  moment les 40 pieds. Un menu complexe, un peu comme pour les IMOCA de tête mais qui laisse très peu d’option de repiquer dans l’ouest à la latitude où évoluent les premiers Class40, d’autant que leur parcours leur fait viser Porto Santo (Madère) qu’ils doivent laisser à tribord. 

Le jeu n’en sera pas moins passionnant, car la dispersion en latéral est assez marquée entre les deux groupes de trois bateaux aux avant-postes. Plus de 40 milles séparent le leader Amarris des deux équipages italo-français qui ont rasé le DST du cap Saint Vincent et progressent en parallèle dans l’est. C’est encore en mode régate que vont se jouer les 36 prochaines heures où les leaders devraient atterrir sur Porto Santo et commencer à ouvrir plus sérieusement les écoutes à l’approche des alizés. « On est encore en mode « petit parcours » confirmait Nicolas d’Estais. Avec Léo (Debiesse), on n’a pas eu vraiment le temps de se roder et il nous tarde de trouver des conditions stables pour se mettre en mode large ».

 

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