« C’était les 24 premières heures les plus violentes que j’ai vécues sur un bateau à voile. Avec beaucoup de vent, 30-35 nœuds, et surtout beaucoup de mer au niveau du Raz Blanchard, où ça a tapé fort. C’était très impressionnant et on n’arrivait à rien faire. Là ça se calme, on a réussi à dormir et manger un peu mais ça reste assez bourrin… » C’est Achille Nebout, 5ème sur Amarris en compagnie de Gildas Mahé qui confiait ses impressions ce matin. Un message qui en dit long sur les conditions de vie à bord de ces bateaux dont les carènes de scow sont redoutables à toutes les allures, mais offrent une surface d’impact colossale. Une architecture qui impacte aussi les marins, qu’il s’agisse des chocs physiques ou du mal de mer dont ont souffert plusieurs équipages dont celui d’Edenred (Emmanuel Roch-Basile Bourgnon)
Train d’enfer
Les images du départ hier au Havre avec une majorité de Class40 fonçant avec un ris dans la grand-voile seulement, alors que le bateau comité enregistrait des pointes à 40 noeuds à son anémomètre, resteront dans les mémoires. Elles ne laissaient aucun doute sur l’appétit des marins pour ce sprint vers Lorient. « C’était magnifique, nous confiait ce midi Ambrogio Beccaria, clairement le plus beau départ que j’ai jamais pris. » Associé à Nicolas Andrieu, le skipper Italien d’Alla Grande Pirelli est installé en tête depuis la fin du parcours côtier. Très rapide dans ces conditions, comme il l’avait prouvé lors de la Rolex Fastnet Race, c’est lui qui imprime le rythme, sans néanmoins parvenir à s’échapper. « Il y a encore beaucoup de boulot sur toute la descente de la mer d’Iroise » confirmait Nicolas Andrieu, comme pour dire qu’avec un petit mille d’avance seulement sur Groupe SNEF revenu comme une fusée en rasant les côtes bretonnes, rien n’était fait d’ici l’arrivée à Lorient prévue aux alentours de minuit.
A ce niveau de compétition et d’engagement, toute approximation coûte cher, comme le confiait au lever du jour Corentin Douguet : « Cette nuit, on avait du mal à trouver les manettes du bateau C’était facile pour personne (…) mais ce n’est que notre dixième nav' sur le bateau, c’est normal qu’on ait ces petites phases… ». Petite frustration donc pour Corentin qui court avec Fabien Delahaye, quatrième tout de même ce midi, intercalés entre deux autres tandems de Figaristes Groupe SNEF et Amarris qui ne comptent plus le nombre de tours de la Bretagne dans leurs bottes et ne lâcheront rien jusqu’à Lorient. Belle performance également pour Matthieu Perraut-Kevin Bloch, toujours placé depuis le départ et deuxième avant d’attaquer le dernier tronçon de cette étape.
Petits et gros bobos
Alors que ça ferraille devant, ça ne chôme pas derrière, à l’image de Café Joyeux (Nicolas D’Estais-Léo Debiesse), reparti en course dans l’après-midi d’hier et qui avait rattrapé près de 20 places à 16 h 00 aujourd’hui. De leur côté, Jean Yves Aglae et Hervé Jean-Marie ont pu solutionner leur problème de ferrure de safran à l’abri de Guernesey et font à nouveau route vers Lorient. Ne restent au Havre que P-Rêve à perte de vue (Joel Paris et Jérôme Ragimbeau), rentré hier soir pour des problèmes d’électronique et de trinquette ainsi que les deux malheureux Movember (Bertrand Guilloneau-Kito De Pavant) et Seafrigo-Sogestran (Cédric Chateau-Guillaume Pirouelle), victimes chacun d’un abordage hier, avec d’importants dommages structurels à la clef dont un sacré trou dans le bordé de ce dernier… Mais l'équipage ne baisse pas les bras et envisage de reprendre la course à Lorient en ramenant le bateau par camion sur place avant de procéder aux réparations, aidés par l'équipe de l'IMOCA Groupe Apicil sur place.
Dékuple est toujours à Cherbourg pour régler ses problèmes de structure, aux côtés de Crédit Mutuel, qui a démâté dans le nuit, ce qui fait à ce jour 5 bateaux à l'arrêt. Concernant Crédit Mutuel, l’équipe de Ian Lipinski et Antoine Carpentier étudie les possibilités de reprendre la course depuis Lorient. Une opération d’envergure comme celle de Sogestran Seafrigo puisqu’il faut non seulement regréer le bateau mais aussi l’emmener par la route vers le Morbihan, les conditions météo attendues interdisant toute possibilité de convoyage au moteur.