Le public admirant les bateaux © Jean-Louis Carli / Alea
Édition 2023 04 novembre 2023 - 16h32

Questions pour un skipper !

Qu’il est bon de (re)voir le sourire des marins et entendre leurs rires, maintenant que le départ est imminent ! Avant d’embarquer pour la Route du café, Clément Giraud (Coup de pouce - Giffard manutention), Jean-Baptiste Gellée (Primonial) et Achille Nebout (Amarris) se sont volontiers prêtés au jeu des questions-réponses des internautes. Ils nous ont parlé vie à bord, podcast fétiche, caisse de sucreries… Voici un petit florilège de leurs réponses.

Échange à écouter en intégralité

 

Comment avez-vous occupé cette semaine d’attente ?

Clément Giraud (Coup de pouce - Giffard manutention) : "Dimanche, juste après l’annonce (du report du départ), je suis rentré en train à la maison (Toulon). En début de semaine, ça a été de la wing, du yoga, du run dans la montagne. Et puis je suis remonté fissa au Havre avant la tempête pour sécuriser le bateau et je suis resté là depuis."

Jean-Baptiste Gellée (Primonial) : "Je suis revenu passer un peu de temps en famille, ce qui était assez improbable. On s’attendait pas du tout à ça. C’est toujours particulier, parce qu’on ne peut pas trop faire de plans sur la comète, on est un peu en stand-by à la maison, à se maintenir en forme : étirements, gainage, footing de 20 min…

Achille Nebout (Amarris) : "Il a fallu bien se reposer parce que cette première manche a été très intense, elle a tiré sur les organismes. Il a aussi fallu faire un gros check du matériel. Ça, c’est pour le début de semaine. Après, on a eu une période un peu floue, où on ne savait pas quand on repartait, donc ce n’est pas facile de savoir dans quel mode se mettre : est-ce que je reste concentré, est-ce que je souffle un peu… Maintenant, on sait quand on part, lundi matin, et donc on se remet en mode course. Le week-end va être vraiment sur la météo, l’avitaillement, etc…

 

Est-ce que vous avez déjà été malade pendant une course ?

Clément : "Je peux être malade, sur les départs de course, avec la pression souvent. C’est plus les premières heures où, une fois que le départ a été donné, tu as une forme de pression qui redescend et là on se ré-amarine. C’est encore plus vrai quand tu n’as pas beaucoup navigué sur le bateau, depuis un moment, il faut se recaler, mais ça passe très vite."

Achille : "Ça peut m’arriver aussi, un peu comme Clément, d’être malade en début de course, avec la pression, notamment quand les conditions sont fortes et qu’on attend le départ dans de la mer formée. Je pense que ça arrive à la plupart des skippers."

 

Comment vous vous occupez en mer quand il n’y a pas de vent ?

Clément : "Quand il n’y a pas d’air, pas de vent, c’est le pire. Tu chasses en permanence le petit réglage, quand vraiment il y a très très peu vent, le pilote automatique ne fonctionne plus très bien donc tu barres beaucoup, tu remets en question ce que tu es en train de faire. Ça gamberge pas mal et ce sont presque des moments où tu peux te déshydrater, tu ne dors pas, tu ne manges pas… En revanche, quand c’est du petit temps et que ça déroule, ce sont nos moments de marins, de plaisir, où on va contempler ce qui nous entoure vraiment."

Jean-Baptiste : "C’est paradoxal, mais les moments où il y a le moins de vent, ce sont presque les moments qui demandent le plus d’énergie parce qu’il faut, justement, se sortir le plus vite possible de ces zones sans vent. Ça demande d’être énormément sur les réglages, de trouver la bonne voile, d’essayer d’avancer à minima avec ce qu’on peut. Ce sont finalement des moments où on est très occupé. Et, au contraire, les moments où on a un vent stable, ce sont presque les moments où on peut justement se relaxer un peu, écouter des podcast."

 

Des podcasts ou titres de livre fétiches ?

Achille : "Personnellement, je ne prends pas de livres, parce qu’on est dans un truc humide et j’arrive pas à les sortir. Par contre, j’écoute beaucoup de musique. Je me fais des grosses playlists de trucs que je ne connais pas, des trucs aléatoires et ça me permet de découvrir plein de choses. Sinon, j’emmène des podcasts, "Affaires sensibles" de France Inter notamment, que je n’ai pas le temps d’écouter tous les jours à terre.

Jean-Baptiste : "Je suis un grand amateur d’"Affaires sensibles" également. On m’en a conseillé un autre "Les couilles sur la table" qui est très intéressant aussi. On essaie d’aller chercher des idées à droite, à gauche, par les marins ou notre entourage, pour avoir une bibliothèque téléchargée et ne pas se retrouver sans contenu en mer."

Clément : "J’aime bien aller faire de l’aléatoire dans les podcasts. J’écoute beaucoup "Thinkerview", ce sont des interviews très longues, souvent politiques, économiques. Je comprends pas toujours ce qu’ils disent (rires) car c’est très poussé, ce sont des spécialistes, mais tu réfléchis encore plus à ce qui se passe sur terre que quand tu es finalement à terre."

 

Est-ce que vous avez des grigris à bord ?

Clément : "Manu (Cousin) il a un poulpe à bord. Moi, ma fille a perdu mon grigri qui me suivait depuis ma mini-transat en 2005."

Achille : "Moi, j’ai un porte-bonheur à bord, c’est une petite statuette de lion que m’avait offert mon neveu qui s’appelle Léon pour mon premier Figaro 3. Je l’ai récupéré et mis dans mon Class 40. C’est le seul poids mort autorisé à bord, il doit faire 200 g."

 

Quels animaux avez-vous déjà croisés en mer ?

Clément : "Sur la Transat Jacques Vabre, il y a deux ans, on a eu un oiseau, comme un héron, qui s’était complètement paumé. Il a galéré à revenir à bord, au large de l’Afrique. Il devait faire 50 cm de haut, il a passé 24h à bord."

Achille : "C’est vrai qu’on croise des oiseaux qui sont complètement perdus, mais au milieu de l’océan, on se demande comment ils ont fini là. Parfois, ils arrivent à se mettre à bord, se reposer un peu, c’est assez sympa. Après, on voit énormément de dauphins à l’approche des côtes. Récemment, aux Açores, cet été, on a croisé une quinzaine voire une vingtaine de baleines, vraiment pas loin du bateau, c’était très impressionnant. Heureusement, on n’allait pas trop vite, car notre hantise, c’est de les percuter. On a profité du spectacle. C’est rare, donc quand ça nous arrive, limite, on met la course entre parenthèses et on en profite un maximum."

 

Combien de calories vous consommez par jour ?

Jean-Baptiste : "C’est un peu paradoxal là aussi, car les moments où on fait le plus d’efforts, ce sont les moments où on peut le moins manger. Typiquement, sur la première manche, on n’a même pas pu faire chauffer de l’eau pour se faire un café. L’alimentation, c’est assez fluctuant. Les moments où c’est très agité, on va plutôt manger des choses rapides, des gâteaux, un peu de sucre pour tenir."

Achille : "Je n’ai pas d’idée de chiffres précis, mais je suis un peu comme JB, quand ça bouge et que ça tape, on a vraiment du mal à se faire à manger. Donc moi, dans ces cas-là, je prends des boissons énergétiques qui apportent des nutriments."

 

Est-ce que vous emmenez quand même des petits plaisirs ?

Clément : "J’ai toujours le souvenir sur mon Vendée Globe, je ne mangeais pas trop sucré, mon équipe m’avait préparé une caisse d’Halloween avec du sucre, des bonbons, du Nutella. Après deux mois de mer, je suis tombé dans la caisse, c’était animal, et en moins d’une semaine, je l’ai vidée ! "

 

C’est quoi votre pire moment sur l’eau ?

Jean-Baptiste : "Le pire moment c’est la casse. Ce moment où on ne sait pas si on est en mesure de continuer, on commence à avoir des doutes et en plus les conditions ne sont généralement pas très agréables. Pour moi c’est le pire moment."

 

Et le meilleur ?

Tous les trois : "Quand tu franchis la ligne d’arrivée, que tu gagnes ou non !"

 

Si vous deviez choisir une chanson pour décrire cette course ?

Jean-Baptiste : "Sur la première manche, je dirais que c’était un gros Rage Against the Machine (rires des trois) et après, je dirais qu’on sera sur Le Sud de Nino Ferrer, là où ça glisse, tranquille, on est à 25-30 noeuds, dans les alizés, il fait chaud, on se rapproche un peu plus du paradis !"

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