Avec d’un côté des nouveaux venus au royaume du multicoque, à l’image du Figariste Pierre Quiroga (Viabilis) et de Luke Berry (Le Rire Médecin - Lamotte) issu de la Class40 ; et de l’autre des marins rompus à l’exercice comme Sébastien Rogues (Primonial) vainqueur en titre, qui débarque à la barre d’un bateau fraîchement mis à l'eau, le jeu s’annonce très ouvert en Ocean Fifty. Et c’est un leitmotiv qui revient sur les pontons de cette classe de trimarans de 50 pieds (15,24 mètres), riche de sa longue histoire avec la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre, dont elle reste une fidèle animatrice : « Le plateau est hyper équilibré ».
Deux favoris au milieu d’un plateau homogène
C’est par exemple l’avis de Pierre Quiroga, qui fort de sa victoire sur la Solitaire du Figaro 2021, n’a pas eu peur de sortir de sa zone de confort pour rejoindre la classe. Et compter parmi les nouvelles têtes d’affiche de ce circuit exigeant, qui au-delà des régates spectaculaires au plus près des côtes invite ses skippers à en découdre en haute mer en équipage réduit. « Chaque duo a ses forces et ses faiblesses. Chacun peut remporter la course, ce qui la rend passionnante », complète ce bizuth de l’Atlantique en multicoque, qui peut notamment compter sur l’expertise de son routeur, Dominic Vittet, avec lequel il partage déjà une belle complicité.
Même son de cloche de la part du binôme de Solidaires en Peloton, formé par Thibaut Vauchel-Camus et Quentin Vlamynck aux yeux duquel : « tout le monde peut gagner, ou finir dernier, dès lors qu’on considère l’incertitude liée à un sport mécanique, les opportunités météo et le niveau d’engagement que chacun mettra dedans ». Cette paire de co-skippers mérite néanmoins l’étiquette de favori à bord d’un bateau de trois ans d’âge. Un statut qu’elle partage avec le duo de Koesio, dont l’immense expérience d’Erwan Le Roux, triple vainqueur de la Route du café dans cette classe, en fait un légitime prétendant à la victoire finale aux côtés de la prometteuse Audrey Ogereau.
Au chapitre des bateaux, on note d’abord que deux valeureux trimarans répondent présents, avec leur fiabilité pour moteur. Ils constituent le plus précieux des sésames pour leurs co-skippers qui s’essayent à l’art délicat et périlleux de la course, où le risque de la casse et du chavirage n’est jamais loin. C’est le cas du trimaran de Luke Berry, qui a choisi de s’associer à Antoine Joubert, un marin discret mais non moins fin spécialiste du multicoque pour tirer le meilleur du bateau de 2009 qui l’a emporté en 2021, à l’arrivée en Martinique. « On est un nouvel équipage à bord du plus vieux bateau de la flotte, qui fonctionne encore pas mal. On a commencé à naviguer et à le prendre en main il y a presque un an. On a réussi à engranger pas loin de 10 000 milles et on a rencontré pas mal de conditions, notamment du vent fort. Sur le Fastnet cet été, on a déjà vécu ce stress », se rassure ce tandem à l’approche de cette première épreuve du feu sur la Route du café.
Deux derniers nés au saut du train des dépressions
Sur les pontons du bassin Paul Vatine, aucun ne fait mystère de ses légitimes appréhensions, à moins de 48 heures d’un départ annoncé dans des conditions de saison, qui ne laisseront aucun droit à l’erreur. Pour les bateaux les plus récents, l’enjeu est de taille. C’est le cas de Réalités, le tout nouveau voilier de Fabrice Cahierc, qui a choisi de s’associer à Aymeric Chapellier, affichant quatre participations à la course, dont une en Ocean Fifty, 3e place à la clé. Un marin d’expérience qui saura préserver le trimaran sur plans VPLP qui n’a touché l’eau que l’été dernier.
Mais l’exercice n’aura rien d’une partie facile comme le souligne Sébastien Rogues, le skipper du tout nouveau Primonial, dessiné par Romaric Neyhousser : « On n’a encore jamais navigué dans des conditions aussi fortes, sans repasser dans les mains de l’équipe technique. C’est clair qu’on part un peu dans l’inconnu, même si la situation sera très classique avec le passage d’un train de dépressions. Tout l’enjeu sera d’éviter l’avarie. La casse est interdite sur les 24-48 premières heures, d’autant plus qu’après le départ, une autre grosse dépression pousse derrière ; l’autoroute sera vite bloquée. Il faudra naviguer en bon marin, surtout à bord de ce nouveau bateau ». Pour ce baptême océanique, le vainqueur en titre en Ocean Fifty fait équipe avec Jean-Baptiste Gellée, un fidèle choisi pour « le facteur humain, qui reste un vrai gage de performance ». Le duo pourra aussi s’appuyer sur sa cellule de routage, composée notamment de Matthieu Souben, aux côtés duquel Sébastien Rogues avait signé sa magnifique victoire en 2021. Une valeur sûre à terre pour tracer une trajectoire à haut risque en direction de la Martinique…