Top départ pour une ULTIM course de vitesse
La nouvelle est tombée hier en fin d’après-midi. Le Maxi Edmond de Rothschild déplore une sérieuse avarie de barre, qui l’oblige à poursuivre sa course en mode dégradé. Mais pour l’heure Charles Caudrelier et Erwan Israël font preuve d'une belle force de résistance, pour à la fois s’accrocher derrière les deux premiers et contenir le retour de Sodebo Ultim 3. En tête, un dernier bras de fer est engagé entre le Maxi Banque Populaire XI et SVR Lazartigue, qui ont fait leur retour dans l’hémisphère Nord dans la soirée d'hier ; la cartographique indiquant environ 1H30 d’écart entre les deux à l’équateur.
Le passage de la latitude zéro, aussi virtuel que symbolique, n’en matérialise pas moins le coup d’envoi d’une ultime course de vitesse entre ces deux géants qui progressent dans un couloir d’alizés, entre la zone interdite à la navigation le long des côtes sud-américaines et le Pot-au-noir. Silence radio ce matin aux avant-postes, alors que le Maxi Banque Populaire XI affiche un petit surplus de vitesse et 120 milles d’avance sur son poursuivant immédiat. Soit un gain d’environ 10% sur la distance qu’il lui reste à parcourir pour rallier Fort-de-France. Le sprint ULTIM est bel et bien lancé pour une arrivée estimée en fin d’après-midi, heure antillaise demain (vers 2h, dans la nuit de dimanche à lundi, heure métropole).
IMOCA : deux conquérants de l’ouest font bande à part
Ouest ou sud ? S’armer d’un piolet et de crampons, ou glisser sur l'autoroute de soleil ? Depuis le départ, la question anime les débats, les skippers s'accordant tous pour dire qu’il n’était pas facile de trancher. Mais ce matin, un duo de dissidents mise sur une route plus directe vers l’ouest, par rapport à celle, franchement marquée au sud, privilégiée par la grosse majorité des concurrents. À commencer par les leaders d’hier, Charal, Paprec Arkéa, entre autres. Ces deux-là progressent au coude-à-coude, mais concèdent déjà plus de 110 milles de retard sur les conquérants de l’ouest : Teamwork.net et Groupe Dubreuil, qui font désormais bande à part.
« On est très exactement 350 milles dans l’est de l’archipel des Açores, du côté de Santa Maria, le soleil vient de se lever, magnifique lever du jour. Je vois à l’est un grand ciel bleu bien dégagé, et devant c’est un peu couvert, on va un peu plus dans les perturbations », nous décrit ce matin Julien Villion qui ouvre cette route occidentale avec la garantie de devoir composer avec des turbulences à venir. « Ce choix est âprement réfléchi, il n’y a pas de pile ou face mais nous sommes étonnés de n’être que deux dans cette stratégie-là. Être dans du portant avec peu de vent, cela n’est pas facile non plus », justifie-t-il, alors qu’il progresse plus vite, au près, que ses concurrents sudistes évoluant, eux, dans des petits airs au débridé.
Même son de cloche de la part de Sébastien Simon, droit dans ses bottes à bord de Groupe Dubreuil, à l’entame d’une navigation qui promet de maintenir le suspense. « Cela fait plusieurs jours qu’on discute ; et à un moment on était face à l’anticyclone pour faire un choix. Si on avait voulu faire du sud, il aurait fallu faire des manœuvres et accepter de passer derrière les concurrents, donc on a décidé d’assumer notre option. On joue, ou on perd », explique le co-skipper d’Iker Martinez, qui estime qu’il faudra attendre l’horizon des quatre prochains jours pour mesurer les résultats de ces deux options. Ces routes radicalement différentes pouvant atteindre jusqu’à 1000 milles d’écart en latéral, selon Christian Dumard, le météorologue de la course.
Les dés sont jetés par ces premiers bateaux de tête aujourd’hui, qui peuvent encore être rejoints sur cette route plus courte mais plus complexe et cabossée, - “avec des nids de poule”, dixit certains -, par d'autres bateaux ; dont ceux à dérives : les Five Group -Lantana Environnement, Freelance.com, Monnoyeur - Duo For a Job… qui n’ont pas dit leur dernier mot. Les prochaines heures diront pour quelle trajectoire chacun d’entre eux votera…
CLASS40 : la bande à Madère
Dans le camp des plus petits monocoques, c’est dans le sud-ouest de Madère qu’il faut regarder. La bataille s’y joue à coups de décalages latéraux entre le leader au classement Amarris, qui occupe les quartiers nord à l’ouest, et les plus sudistes, décalés à l’est : Alla Grande Pirelli, IBSA, Groupe SNEF… Et c’est sans compter avec les partisans de la voie du milieu : Café Joyeux, Crédit Mutuel, Project Rescue Océan.
« On a eu une nuit compliquée avec du vent foireux, instable, des nuages noirs, impossible de voir le ciel, du noir, du noir ; et on a essayé de tracer notre route là-dedans, et aller vers le sud-ouest pour choper des alizés plus stables. Mais on est là où on voulait être », raconte ce matin Gildas Mahé, qui se tarde néanmoins d’attraper une bascule de vent à droite pour incurver sa route vers l’ouest. « La météo est compliquée, on est toujours en tête en distance au but, la situation est tout sauf catastrophique, c’est clair. Déjà le spi ne fait plus flap-flap à chaque vague. On est à 16 nœuds au portant, GV haute, grand spi, on a même reculé un peu le matériel. Le vent est rentré un peu 16-17 nœuds. Mais il fait toujours gris de chez gris », poursuit le co-skipper d’Achille Nebout qui ne cache pas que les prochaines heures s’annoncent cruciales pour la suite de la course. Ce matin, il progresse à 10 nœuds, contre 13,5 pour IBSA, le plus sudiste sur une route à l’est. Vivement le soleil et les alizés !
Ocean Fifty : Tout schuss vers le Cap Vert
Plus au sud, les alizés, les Ocean Fifty n’en manquent pas dans des conditions que les co-skippers apprécient, comme il se doit. Auteur d’une très belle course, le duo de Réalités ne boude pas son plaisir d’être toujours dans le match, bien lancé aux trousses de Solidaires en Peloton sur la route qui mène en Martinique. « On a entre 15 et 20 nœuds de vent, on fait des pointes à 30 nœuds. Les bonhommes se sont reposés depuis trois jours, le moral est au beau fixe », raconte Aymeric Chapellier qui remercie chaleureusement toute l’équipe technique de ce nouveau bateau, sans laquelle la course, si stimulante avec Viabillis qui progresse juste dans son tableau arrière, ne pourrait pas avoir lieu. Et le co-skipper de Fabrice Cahierc d’ajouter : « Thibaut et Quentin ont mené tambour battant leur bateau (Solidaires en Peloton)… Ça sera dur de remonter, mais on ne va rien lâcher. Le soleil vient de se lever, la mer est plutôt plate ce qui est propice à faire de bonnes vitesses - 22-24 nœuds -, le bateau ne tape pas trop, ce sera comme cela aujourd’hui avec du vent mollissant et le passage de l’île (le Cap Vert) en milieu de nuit. »