Compétition de yoles ©Marine Bourtoule
Édition 2023 27 novembre 2023 - 16h22

La yole, la voile à l’état pur

Alors que les derniers bateaux de la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre arrivent à Fort-de-France, une autre compétition de voile commence en Martinique : le championnat des yoles rondes. La première journée s’est tenue ce dimanche au Sud de l’île, sur le plan d'eau de l'Anse Figuier à Rivière-Pilote. De l’engagement, de l’adresse et une bonne dose d’instinct, récit de ce rendez-vous incontournable pour les insulaires.

Il n’y a qu’à voir la foule rassemblée sur la plage d’Anse-Figuier et entendre les cris d’encouragement pour comprendre qu’on assiste à un match de Ligue 1. La deuxième course de la journée va bientôt commencer : la misaine. Comprenez : course de yoles à une voile. Comme pour un départ de course au large, la sirène retentit à H-10 min pour que les équipages se tiennent prêts… Top départ ! 

Compétition de yoles ©Marine Bourtoule

Entre force de l’athlète et grâce du danseur

16 yoles s’élancent depuis la plage. Les équipages poussent leurs embarcations de bois sur l’eau. L’objectif : grimper le plus vite possible et prendre de la vitesse immédiatement, pour distancer ses concurrents. Sur l’eau, le ballet commence. "Ils sont entre 10 et 14 à bord selon la force du vent et la taille des voiles" explique Julien Pancrate, excursionniste sur le Captain Sonson et qui a pratiqué la yole pendant 15 ans. "A l’arrière, la yole est dirigée par trois personnes dont celui qu’on appelle "le patron". Il tient le bout de la pagaie. Il a deux autres personnes pour l’aider à la tenir parce que ça a quand même un poids. Il y a la personne à l’écoute pour gérer la voile et, au milieu, les coéquipiers qui sont sur les bois dressés pour permettre d’équilibrer."

Une chorégraphie millimétrée aussi impressionnante par l’engagement physique que par la grâce déployée, en osmose avec le mouvement du bateau et des vagues. Tout en souplesse, les marins s’ajustent les uns derrière les autres, sur leurs bois, reproduisant l’arrondi de la coque. Ils s’appuient, plus ou moins fort, grâce à leur poids et leurs jambes pour ramener le bateau à plat et optimiser la vitesse. Une grâce combinée à l’instinct. Point d’électronique ou d’appareils de mesure à bord, le plus à l’avant des équilibristes lit le vent sur la mer. 

 

A l’origine, une course de marins-pêcheurs

Touriste ou natif, on ne peut qu’être émerveillé devant ce spectacle. Julien, lui, a ça dans le sang. Pendant 7 ans il a été le plus jeune coureur de la compétition. "C’est une véritable passion, l’amour du sport, la symbiose avec les éléments, la mer, le vent. Il y a vraiment une grâce qui se dégage du sport. C’est une part de notre culture dont je suis fier." Car la yole martiniquaise a une histoire un peu particulière. Dans les années 50, les marins-pêcheurs de Martinique partaient travailler à la voile, sur des yoles. Lorsqu’ils avaient suffisamment pêché, ils rentraient en mode "course". Le premier arrivé, le premier à vendre son poisson ! Il faut attendre les années 80 pour que cette pratique devienne le sport national de la Martinique et attire les sponsors. 

Aujourd’hui, chaque équipage représente une localité de l’île et affiche ses partenaires sur ses voiles. CMA CGM (partenaire également de la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre) ne s’y est d’ailleurs pas trompé en soutenant un équipage issu des "bébé yoles", c’est-à-dire des espoirs. Ils jouent aujourd’hui chez les grands. Et ils sont tellement prometteurs qu’ils ont fini deuxième de la misaine (manche à une voile) ce dimanche ! 

Si la yole est le sport national de la Martinique, sa pratique va bien au-delà du seul aspect sportif. "Il y a un vrai côté festif", conclut Julien "les gens en profitent pour faire des grillades, ça leur permet de se rassembler sur les plages. Ça a un rôle fédérateur."

Et c’est ce qui a séduit l’UNESCO qui a décidé, en 2020, d’inscrire la yole martiniquaise sur la liste du patrimoine culturel immatériel.

Compétition de yoles ©Marine Bourtoule
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