Les IMOCA malmenés
Les vents puissants de sud-ouest balayant ce matin tout le proche Atlantique, du nord de la péninsule ibérique, jusqu’au nord de la pointe Bretagne, n’ont pas fait de quartier. Après les Ocean Fifty et les Class40 hier, c’est donc au tour de la flotte IMOCA de subir, ce matin, les éléments en colère à l’entame de leur transat. Au-delà des arrêts techniques, de nombreux skippers font le récit des pépins auxquels ils n’ont pas échappé, et avec lesquels il faut désormais composer. C’est le cas du duo de For the Planet, qui déplore la perte de ses instruments en haut du mât et explique les enjeux d’un début de course à haut risque « Il faut trouver l’équilibre pour garder une bonne vitesse tout en évitant la casse », souligne Sam Goodchild qui s’efforce de garder la cadence soutenue imprimée par les quatre bateaux de tête. « C’était chaud patate ! » confirme Benjamin Ferré à bord Monnoyeur Duo For a Job, pas mécontent de progresser vers des jours meilleurs. Cette entrée en matière a été difficile aussi pour le tandem de Be Water Positive qui a annoncé faire route vers Gosport, en Angleterre, pour permettre à Scott Shawyer, de faire des examens médicaux.
Alors que le plus dur de ce dernier front est désormais derrière, difficile de ne pas saluer la course de Charal, For People, Initiatives Cœur et Paprec Arkéa, qui progressent en tir groupé, cap au sud-ouest en direction de la sortie du golfe de Gascogne. Ces bateaux de tête ont d’ores et déjà creusé de premiers écarts sur le gros du peloton. Ils gardent le choix de suivre une route plutôt à l’ouest et plus directe. Une option que se refuse aujourd'hui de suivre Pip Hare, à bord de Medallia, dont la grand-voile compte aussi parmi les victimes collatérales des conditions rencontrées aux premières heures du jour « Nous allons continuer pour atteindre la Martinique (…) Mais il ne semble pas que Medallia soit en mesure d'emprunter l'option de l'ouest, même si elle semble attrayante », déclare la navigatrice britannique qui ne cache pas sa déception. Elle confirme néanmoins sa motivation et son intention de poursuivre sa course sur une trajectoire sud, plus longue, mais plus sage.
Duel dans les alizés chez les ULTIM
Dans les rangs disparates de la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre, aucune flotte, à l’exception des ULTIM, parvenant à se faufiler à toute vitesse entre les gouttes de ces passages de fronts saccadés, ne sera parvenue à sortir indemne d’un début de course forcément sélectif. Dans le camp de ces plus chanceux, voilà dix jours que la course se dispute au meilleur niveau de compétition océanique. Le récent passage de l’île de l’Ascension, qui a vu ce matin SVR Lazartigue voler la politesse au Maxi Banque Populaire XI, illustre l’intensité de la bataille aux allures de régate en baie qui se joue sur l’immensité de l’océan, avec d’exceptionnels moments de mer à la clé. « C’est magnifique de trouver cette île là, paumée sur notre route. On a fait tout le tour à 1 mille de distance. C’est une île ronde avec un pic volcanique de 800 mètres. C’est très rocheux, avec des couleurs orangées et très peu de végétation », raconte Tom Laperche.
Mais la contemplation est de courte durée pour le co-skipper de François Gabart qui ne doit pas traîner, alors que le Maxi Banque Populaire XI s’acquitte à son tour de ce passage, un peu moins d’une heure plus tard ce matin. Armel Le Cléac’h et Sébastien Josse devancent alors le Maxi Edmond de Rothschild d’une petite centaine de milles. Ce qui ne vaut pas grand chose à l’échelle de ces géants, comme le rappelle Tom, à bord des bateau leader, à l’entame du long dernier bord de portant pour remonter en Martinique : « il reste 3 000 milles à faire, on ne va pas être tout à fait être en ligne droite, donc c’est loin d’être fini. On est contents, mais on reste hyper concentrés. Les distances vont s’allonger, mais les écarts restent très faibles. 100 milles d’avance en ULTIM, c’est 2/3 milles en Figaro. »
Un duel en tête et deux pelotons chez les Class40
Un air de Solitaire du Figaro, avec des bateaux qui progressent au louvoyage, et s’échangent les lignes du classement au gré des pointages, c’est aussi ce que vivent les équipages aux avant-postes chez des Class40. Après le front, place à des conditions plus maniables, dans lesquelles la course n’en redouble pas moins d’intensité, à l’image du chassé-croisé en tête entre les équipages d’Alla Grande Pirelli et d’IBSA qui ne se quittent plus depuis ce matin. On devine qu’au large des côtes portugaises, les ondes VHF doivent crépiter en italien entre Ambrogio Beccaria et Alberto Bona, même si les duos d’Amarris et de Café Joyeux ne sont pas très loin sur l’eau, et n’ont certainement pas dit leur dernier mot. Tout comme ceux de Lagallais et de Project Rescue, qui progressent dans le peloton tête de cette flotte qui s’est divisée en deux groupes avec une nette scission en termes d’écarts, à partir du 23e Captain Alternance. Ce dernier navigue encore avec des chances d’échapper aux calmes d’une dorsale, qui menace de bientôt freiner les retardataires. Mais parmi les plus petits monocoques, la bonne nouvelle du jour nous vient de La Manche #Evidence Nautique, qui a repris cet après-midi la mer après une escale à La Corogne pour examiner la blessure à la main dont souffrait Alexis Loison.
Un trio d’Ocean Fifty en route vers le Cap Vert
Chez les Ocean Fifty, Solidaires en Peloton, fort de 70 milles d’avance ce mardi, continue de mener les débats dans des vents mollissants. À bord de Viabilis, Pierre Quiroga ne cache pas sa satisfaction d’être toujours dans le match, alors qu’il reste 3 500 milles à courir : « Il y a des moments où il faut baisser un peu le curseur, c’est ce qu’on a essayé de faite hier, en faisant attention au bateau, même si ce n’est jamais facile. Au fur et à mesure qu’on avance, il y a de moins en moins de vent. On se dirige vers la dorsale. On a réussi à bien dormir cette nuit, on s’est relayés moitié-moitié, donc c’était pas mal. » Un petit moment de répit, pas volé, avant de repartir aux trousses des leaders. Et à la chasse à ces alizés mérités en direction du Cap Vert, au détour d’un parcours qui force la route au sud.