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Départs Édition 2023 09 novembre 2023 - 14h06

Les 24 h qui ont changé la physionomie de la course

L’ensemble de la flotte de la 16ème édition de la Transat Jacques Vabre Normandie le Havre est désormais en mer. Cet enchaînement rare et soudain de tempêtes que l’Hexagone vient de subir a contraint l’organisation de la course à trouver les meilleures solutions dans des délais très courts.

Dimanche 29 octobre, le départ de la Transat Jacques Vabre Normandie a été chamboulé. Au petit matin, l’organisation a dû se résoudre à prendre la plus dure des décisions : laisser les IMOCA à quai, au Havre, et mettre les Ocean Fifty et les Class40 à l’abri à Lorient. En cause, l’arrivée d’une dépression qui s’annonçait exceptionnelle mais ne portait pas encore le nom de Ciaran. Aucune improvisation ou décision impulsive, mais des choix longuement réfléchis et étudiés. Retour sur ces 24 heures qui ont tout fait basculer. 

Samedi 28 octobre, au Havre, l’esprit est plus que jamais à la fête ! Le village clôture 10 jours de festivités et le lendemain matin, 95 bateaux nous promettent un spectacle grandiose en baie de Seine. Pourtant, au PC de l’organisation, les sourires sont crispés. Une dépression est en train de se creuser sur l’Atlantique. Les plus expérimentés le savent déjà, elle sera dantesque.

 

Samedi : mettre les Class40 à l’abri

Elle n’a pas encore été baptisée et fait déjà parler d’elle : Ciaran. Dans la journée de samedi, la direction de course prend une première mesure. Les Class40 prendront le départ comme prévu, mais ils devront s’arrêter à Lorient. Pour Antoine Robin, co-directeur de la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre, il faut les protéger et préserver l’homogénéité de la course. "Plutôt que de se dire "ils vont trouver chacun de quoi s’abriter et advienne que pourra", on préfère prendre une mesure responsable qui permet de mettre tout le monde à l’abri sans distinction."

Cela permet aussi à la classe, la moins rapide, de franchir la Manche et ne pas se retrouver couper des autres concurrents pour le reste de la transatlantique. "En les mettant à Lorient, explique Francis Le Goff, directeur de course, on leur faisait gagner du temps et on se donnait la possibilité de garder notre ADN de course : 4 classes en course, en même temps."

Mais dans la soirée, les fichiers météo évoluent encore. L’organisation se rend compte que la dépression grossit et avance plus vite que prévu. De moins en moins de bateaux arriveront à se glisser au Sud du Portugal avant l’arrivée de Ciaran et une autre qui se profile déjà derrière (Domingos). A ce stade, l’option de faire partir tous les bateaux est encore sur la table mais à une condition : pouvoir mettre tout le monde à l’abri sur la côte Atlantique.

 

Nuit de samedi à dimanche : conserver un départ groupé et chercher des places pour tous.

Jusque tard, Francis Le Goff et son équipe cherchent des solutions de repli. Il reste un peu de place à Lorient pour mettre les six Ocean Fifty, mais l’affaire se complique pour les 40 IMOCA. "Il y a les ports qu’on appelle et ceux dont on connaît déjà la capacité, confie Francis. On a eu Roscoff, mais il n’y avait pas beaucoup de place. J’ai eu Port-la-Forêt qui avait trois places pour des foilers et six pour les autres… Très vite on s’est rendu compte qu’on ne trouverait de la place que pour la moitié des IMOCA". Quoi faire ? Séparer la flotte des IMOCA ?  "Ça aurait été encore pire, confie Francis, qui faire partir ? Qui faire rester ? Et comment redonner un départ groupé ?"

A ce stade, la direction de course veut encore croire à une ouverture dans les fichiers météo. "On se dit toujours, comme tous les marins, attendons le dernier fichier. Jusqu’au bout on espère les faire partir, trouver une porte de sortie, une infime possibilité".

 

Dimanche matin : protéger la flotte coûte que coûte

Avant l’aube, les derniers fichiers météo confirment malheureusement le pire. Plus question de penser à l’aspect sportif, la sécurité avant tout. Il faut se tenir le plus loin possible de cette tempête. "Là, plus le choix, avoue Antoine Robin, on doit prendre une mesure d’urgence. Les ULTIM passent avant le front, on les lance. Les Ocean Fifty, on les met à l’abri à Lorient, et les IMOCA, on les garde au Havre."

 

Sécuriser les bateaux et attendre….

Une fois les Class40 et les Ocean Fifty partis, les IMOCA récupèrent ainsi toute la place dans le bassin Paul Vatine. Les catways sont démontés, les monocoques amarrés plus fortement le long des docks, face au vent. 

Lors du passage de la tempête, nombre de skippers et équipes techniques sont restés à bord des bateaux pour les surveiller. Des rafales à 60 nœuds, une surcote d’un mètre, les vidéos et photos prises par les teams parlent d’elles-mêmes. 

A Lorient aussi, si aucun dégât majeur n’a été enregistré, les bateaux ont été chahutés. 

L’essentiel est là : la flotte a été préservée. Choix cornélien de l’organisation mais la plus sage des décisions quand on observe les 207 km/h enregistrés à la Pointe du Raz. 

 

Et si ? 

C’est bien connu, avec des "si" on referait le monde ! Certaines questions se sont légitimement posées sur les pontons et dans les couloirs. Maintenant que la course est engagée, et avec le recul nécessaire, revenons sur certains scénarios envisagés

Pourquoi ne pas garder les ULTIM pour les faire partir comme tout le monde ? 

Le jour de la tempête, le bassin de l’Eure, où les ULTIM étaient amarrés, s’est transformé en jacuzzi grandeur nature. Scénario catastrophe donc, si ils étaient restés ici.

Pourquoi ne pas faire parader les IMOCA le dimanche du départ  ? 

L’entrée et la sortie du bassin de l’Eure se font par une écluse, soumise elle-même à des horaires. Pour 40 IMOCA, il faut compter 4 passages en SAS. Gérer le retour au port de tous ces monocoques, alors que la direction de course était déjà concentrée sur 55 bateaux en mer, dans une Manche très engagée, aurait été compliqué. De plus, il se serait fait dans un vent de plus en plus fort, à la tombée de la nuit et en pleine reprise du trafic maritime au Havre. 

Le principe des 4 parcours pour 4 classes n’est-il pas remis en cause  ? 

Sûrement pas ! Avoir des parcours différents et plus ou moins longs selon les classes a permis, dans ce cas de figure de report, une souplesse qu’il n’y a pas sur d’autres transatlantiques directes. En pouvant les raccourcir, on réduit également l’écart, entre les premiers de chaque classe à l’arrivée en Martinique, de quelques jours au lieu d’une dizaine. Quatre parcours adaptables pour garder l’esprit de cohésion et d’homogénéité entre les classes.

Le sport a repris ses droits, avec des luttes acharnées pour le podium dans chaque classe, alors rendez-vous dès la semaine prochaine en Martinique pour célébrer ces duos d’exception.

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