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Imoca
Édition 2023 21 novembre 2023 - 17h07

Les dériveurs font de la résistance

Ils ont débarqué du Nord ! Cette nuit, Monnoyeur Duo For a Job (Ferré-Le Roy) et Fives Group - Lantana Environnement (Duc-Aubrun), respectivement 13e et 14e, ont rejoint le ponton d’honneur à Fort-de-France. Ces deux équipages signent une course qui marque les esprits à bord de bateaux à appendices droits, qui ont déjà connu plusieurs vies. Non seulement, ils terminent proches du « top ten », mais ces « dériveurs » s’offrent aussi le privilège de finir devant de nombreux « foilers ».

Au royaume de l’IMOCA, les foilers montent en puissance comme le prouvent les vitesses des plus récents d’entre-eux, qui repoussent plus loin les limites du vol océanique. Mais c’est aussi trop vite oublier que des bateaux à dérives ne sont pas en reste au rayon de la performance. Au nombre de 16* sur les 40 engagés dans cette catégorie au départ du Havre, une poignée d'entre eux, menés par des duos associant  bon sens marin et âme de compétiteur, impressionnent par leur capacité à se mêler à la bataille, dans sa dimension stratégi que, comme en régate pure. Tout un art, à coups de placements et de réglages fins, où tracer sa trajectoire, «  comme celle d’un skieur qui laisse qui laisse une longue trace dans la poudreuse » - dixit Benjamin Ferré - permet aussi de sortir son sillage du jeu. 

 

Un bizuth vainqueur de la course dans la course

Ce bizuth de l’IMOCA, n’a pas fait dans la demi mesure à bord de Monnoyeur Duo For a Job, ce redoutable plan VPLP-Verdier de 2010, vainqueur du Vendée Globe 2012 avec François Gabart, sur lequel le poids des années semble glisser. Au terme d’une première saison de prise en main, il gagne cette course  dans la course entre les bateaux à dérives. Premier des « non-foilers », il s’impose aussi, sur une option nord, devant de plus récentes unités dotées de ces appendices qui sustentent les bateaux au-dessus de l’eau. Avec son complice Pierre Le Roy, météorologue de profession, il a su tirer partie de la polyvalence de sa monture et de sa capacité à progresser au près sur une route au risque maîtrisé contre les fronts et les dépressions.

Ce dernier souligne aussi l’émulation du jeu de la régate garantie, notamment par son poursuivant immédiat, le Fives Group - Lantana Environnement de Louis Duc. Arrivé quelques heures derrière, le skipper du 2e bateau à dérives apprécie terminer la course à cette position : « c'est une victoire énorme »« On voit qu’il y en a encore 6/7 foilers qui n’ont pas fait d’escale qui sont derrière nous. Rémi (Aubrun) m’avait dit qu’on devait absolument faire un podium sur les bateaux à dérives. Ça s’est fait, on a gagné ! »  ajoute le sémillant marin normand.

Il toutes les raisons de se satisfaire de ce résultat au terme du parcours entre Le Havre et la Martinique, qui vient récompenser trois ans de travail pour ressusciter son plan Farr de 2006, passé entre les mains de nombreux skippers, malheureusement victime d’un incendie quelques jours avant le départ de la Transat Jacques 2019 le réduisant à l’état d’épave. Mais cette figure du large démontre, qu’à force d’huile de coude et de solides convictions, le jeu d’une rénovation minutieuse à budget ultra maîtrisé vaut le coup. Mieux, il peut donner lieu à de belles courses, où plaisir de se bagarrer au meilleur niveau est au rendez-vous. 

 

“Des machines magiques à bouffer des milles”

« On a énormément de chance de naviguer sur ce genre d’engins. Et de plaisir à naviguer sur ces machines magiques à bouffer des milles », ajoute le skipper normand qui avait embarqué Rémi Aubrun, ce maître voilier en charge de la garde-robe de cet IMOCA au potentiel renouvelé.  Ce fervent défenseur de la revalorisation des plus anciens bateaux souligne aussi la belle course de deux autres skippers, Violette Dorange (DeVenir) et Conrad Colman (Mail Boxes Etc. (MBE)) qui s’accrochent sur la route des alizés : « Je leur dis bravo, parce qu’ils maintiennent des moyennes très élevées au portant. »  Ces deux tandems, attendus dans la journée de demain, progressent très proches de deux foilers. 

Mais difficile aussi d’oublier le 3e larron du groupe de tête des dériveurs de la route nord, freelance.com  mené par Guirec Soudée et  Roland Jourdain, à bord de l’ancien plan Farr de 2007 de ce dernier, avec lequel  s’est imposé sur la Route du  Rhum 2010. Il sont arrivé ce mardi après midi à Fort-de-France, au terme d’une transat en double menée sous le signe du partage et de la transmission entre un jeune aventurier connu pour ses périples nautiques en compagnie de sa célèbre poule Monique et un marin d’expérience, alias Bilou. «  On s’est battu du début à la fin. On a tout donné. On est trop content. Le bateau est en état impeccable. Bilou a une expérience énorme sur ces supports là. Je voulais emmagasiner un maximum. Je l’a pressé comme un citron ! » confie Guirec, visiblement heureux de cette virée en si bonne compagnie.

On laisse le mot de la fin à Louis Duc qui résume cette Route du café , qui a vu de vieilles "moutures" dans le coup de bout en bout. « On vient de boucler une magnifique Transat Jacques Vabre, avec un départ décalé, des groupes avec des options différentes, des guerres pas possibles avec à la fois notre ami Freelance et sa poule Bilou. Nos bateaux à dérives, ils ne sont pas morts ».  Parole de résistant ! 

 

* Parmi les 16 partants engagés à bord de bateaux à dérives, trois ont signifié leur abandon : Stand As One, Oliver Heer Ocean Racing et Be Water Positive.

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