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Imoca
Édition 2023 17 novembre 2023 - 15h22

Les Jujus font bégayer les IMOCA !

« Jujus »… jus-te connu du sérail, le surnom du tandem formé par Justine Mettraux et Julien Villion pourrait faire le tour de la planète voile les jours prochains. Sur leur solide Teamwork.net de 2018, ils ont ouvert la voie du Nord et fondent maintenant sur Fort-de-France, menaçants la tête de course trustée par les derniers-nés de l’IMOCA. Et si les Jujus l’emportaient ?…

A quand faut-il remonter dans l’histoire de la course au large pour voir des bateaux distants de 800 milles avoir autant de chances de l’emporter alors qu’ils ne sont plus qu’à 900 milles du but ?! Peut-être à la Route du Rhum 1990 où Philippe Poupon avait contesté jusqu’au bout en déboulant par le nord la victoire de Florence Arthaud qui glissait dans l’alizé vers Pointe-à-Pitre. Ce scénario, assez improbable il faut le dire à l’heure des routages océaniques ouverts à tous, se répète aujourd’hui et nul n’en connait encore l’issue. 

En choisissant samedi soir dernier de virer de bord, laissant la meute des IMOCA filer au sud vers l’alizé, Justine Mettraux et Julien Villion ont jeté une pièce en l’air mais ne manquaient pas d’arguments pour savoir de quel côté elle retomberait. Leur routage, qui les emmenait plein ouest  sur un chemin certes tortueux et aléatoire, donnait à ce moment-là leur option gagnante de plus de 24 heures. Tout sauf le bord du facteur !

Une décision réfléchie

Bizarrement, seul Groupe Dubreuil (Simon-Martinez) suivait, puis un petit groupe d’IMOCA à dérives accompagné du foiler Medalia (Hare-Bubb). Le souvenir du méchant front traversé en début de course, l’appréhension de matraquer des bateaux récents, le calendrier serré des courses à venir, tout simplement le peu d’appétence des IMOCA pour le près, ont canalisé la flotte vers l’autoroute du soleil. « Avec nos bateaux, on n’a plus trop envie d’y aller dans ces conditions-là, confirmait Yann Eliès à la vacation ce matin. Paprec Arkea est un bateau neuf, pas vraiment fiabilisé. Il faut aussi avoir la machine qui va avec ce genre d’option »  Même son de cloche la veille pour Benjamin Dutreux sur Guyot Environnement-Water Family : « On a eu pas mal de petites casses sur les premières 24 heures de course et on trouvait ça dangereux d’y aller. On voulait aussi privilégier la régate au contact »
Les quelques 1300 milles qu’a parcouru Teamwork.net au près n’ont certes pas été de tout repos. Grisaille, changements incessants de voiles pour tenir la cadence dans des brises changeantes, navigation penchée et usante pour le corps comme le matériel « Plus jamais ça ! » plaisantait Julien Villion filmé par sa co-équipière, casquette fourrée vissée sur la tête et veste étanche sur le dos dans une vidéo postée avant-hier, … à quatre jour de l’arrivée. « Le sommet » comme baptisait le navigateur de cette route de montagne était atteint la nuit dernière au passage du front. Un front bien rugueux avec des grains à plus de 40 noeuds et visiblement un peu de casse sur le bateau qui a du stopper sa course jeudi matin pour réparer (le hook de grand-voile prédisent certains) et repartir.

A l’assaut d’un sommet

« On a viré hier puis cravaché toute la nuit pour descendre des ténèbres. La dépression qu’on a traversée était un peu velue ! Comme prévu, le petit retard qu’on avait pris dans le front précédent fait qu’on s’est retrouvés plus nord que ce qu’on aurait voulu. C’était donc bien intense !

On a eu quelques malheurs qui nous ont bien handicapés, il a fallu les résoudre cet après-midi quand ça a enfin molli. On a donc du faire une petite pause dans notre cavalcade pour s’en occuper. On a essayé de faire au plus vite mais c’est toujours rageant de perdre du temps en chemin, surtout si ces minutes sont précieuses à la fin. On est repartis à fond et au maximum de nos possibilités. On va pouvoir se lâcher maintenant, ça glisse enfin ! » racontait le message du bord le lendemain.

Voici donc les Jujus dans des conditions enfin propices à la vitesse, en bordure de l’anticyclone des Bermudes qui se reforme. Reste que Teamwork.net est ce midi à 250 milles du leader For People car soleil ou pas, les petits copains charbonnent eux aussi… Bref, à la distance où se trouvent les bateaux de la Martinique, il faudrait que Teamwork.net navigue 25% plus vite que la concurrence d’ici samedi soir où sont espérés les leaders. Comme ces derniers avancent déjà à 20 noeuds de moyenne, il y a peu de chance que l’IMOCA datant de 2018 fasse exploser à ce point les compteurs. Mais en navigant dès la nuit prochaine en route directe vers l’arrivée après leur empannage, ils auront nettement moins de milles à parcourir sur l’eau que les bateaux qui glissent dans l’alizé, non pas en ligne droite mais en tirant des bords. Sur Paprec Arkea, deuxième au classement, Yann Eliès était formel ce matin à la vacation : « Ils vont toucher la rotation plus tôt que nous et descendre avec un meilleur angle. Quand on les route, je les vois finir avec nous à Fort-de-France ou au pire devant…»

Suspense total

C’est donc un finish à suspense qui se profile pour ce week-end, de ceux qui restent dans les annales de la course au large. Et qu’importe le résultat final, les Jujus auront de toutes façons rempli leur contrat comme le saluait joliment à la vacation hier Thomas Ruyant, qui caracole toujours en tête sur For People : « Je n’ai pas routé précisément leur bateau. Tout va dépendre de leur capacité à aller vite à un angle qui est moins facile que le nôtre au portant. Sur For People, on a vraiment envie de gagner, mais si c’est Justine et Julien qui l’emportent, je serais très content pour eux »

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