L'heure du café, à bord de Café Joyeux
Édition 2023 13 novembre 2023 - 11h54

Comme un lundi matin, au nord et au sud de l’océan…

Ce lundi, les affaires reprennent de plus belle sur l’échiquier de l’Atlantique. Notamment pour les Sudistes, qui en IMOCA, comme en Class40, se régalent dans l’alizé bien établi. D’autant que pour ne rien gâcher, avec des bateaux très proches les uns des autres, le plaisir de régater au beau milieu de l’océan est au rendez-vous. Mais pour les occupants des quartiers nord aussi, les conditions, moins idylliques, n’en garantissent pas moins aujourd’hui de donner lieu à une compétition océanique qui ne manque pas de panache. Avant l’arrivée dans quelques jours d’un prochain système dépressionnaire qu’il faudra esquiver au mieux sur cette route engagée...

« Le soleil se lève dans le tableau arrière, on a un alizé bien sympa pas trop fort, une mer plate, et ça attaque sévère, car For People a bien charbonné cette nuit, donc nous aussi on met du charbon ». À bord de Paprec ArkéaYann Eliès apprécie à sa juste mesure ce début de semaine sur l’autoroute du sud. Avec le joli score de 415 milles parcourus sur les dernières 24 heures et des vitesses de 23-24 nœuds au speedo, les chiffres, affichés au classement de 9 heures par le duo du bateau rouge et bleu, parlent d’eux-mêmes. Pas de répit, même s’il faut aussi,  comme en convient le co-skipper de Yoann Richomme : « ménager la monture, pour arriver de l’autre côté avec un mât et deux foils ».  Le mot du jour, donc : « attaquer en bonne intelligence, en profitant d’avoir un peu d‘air dans des conditions idylliques pour nos bateaux ».

« On se tire la bourre avec deux autres bateaux (Charal et For People, NDR) et à chaque classements on regarde à combien de milles, de nœuds on fait en moins ou en plus, c’est super excitant », poursuit Yann qui ne manque pas non plus de suivre avec attention la progression de teamwork.net au nord, dont il salue la course. « Ce n’est pas facile de connaître leurs capacités à maintenir les routages, on les trouve courageux. Julien (Villion) est un météorologue hors pair, et il a compris qu’il avait mangé dans la dorsale et qu’il n’avait qu’une solution, c’était d’aller dans le nord. C’est une route dure pour les bonhommes et les bateaux. On espère qu’ils vont arriver après nous, la tendance est qu’on arrive derrière eux, mais moins qu’avant. Cette dernière semaine va être hyper excitante. Pour l’instant on joue avec nos copains du sud ; et c’est sympa. »

 

Et au nord, alors ? 

 

« … On n’est pas si mal ! Je viens de vivre un super lever de soleil, Pierre (Le  Roy) est en train de se reposer, on a papoté un peu à la VHF avec Bilou et Guirec (de freelance.com) »,  confirme  Benjamin Ferré, à bord de Monnoyeur Duo For a Job, premier des bateaux à dérives, l’un des plus rapides de sa catégorie. « J’ai vu que les foilers ont mis la pédale sur l’accélérateur. Mais nous, on se tire la bourre aussi. On file vers le grand ouest. On est sur un long bord de près en bâbord depuis plusieurs jours ; et c’est chouette de voir les copains à l’AIS (Automatic Identification System). On fait un long speed test ; et c’est marrant. » La cartographie en atteste. La régate est aussi très serrée dans les rangs du deuxième peloton du nord, où progressent  Five Group - Lantana EnvironnementMedallia, ainsi que  Foussier - Mon Courtier Energie, qui s’accroche.

D’autant plus que les choses promettent de se corser sur une « route engagée »« Le gros enjeu est pour jeudi à l’arrivée d’une dépression secondaire qui se créée dans le sud du passage d’une dépression tropicale », qui passera plus au nord. «  Il faudra bien la négocier pour ne pas tout casser et ne pas nous mettre en danger », poursuit Benjamin qui s’est fait une raison et accepte, bon joueur, de ne pas beaucoup envoyer le pépin sur les chemins qu’il emprunte. « C’est marrant de se dire qu’on a fait que du près depuis le début et que c’est possible qu’on ne fasse pas un seul empannage jusqu’à l’arrivée, c’est cocasse pour une transat. On savait que l’option nord passerait par le passage de cette dépression tropicale, en tous les cas on la jouera safe », rassure-t-ilPour l’heure, il profite des conditions maniablesdans 16-17 nœuds de sud-est, pour emmagasiner du sommeil et des bonnes forces - « pastas avec du pesto et du parmiggiano » lors de son dernier repas. 

 

Nord ou sud ? C’est toujours la question...

 

Plus au sud, chez les Class40, qui ont touché l’alizé au large des côtes africaines après le passage hier des Canaries, le débat nord/sud reste ouvert. « Il y a deux manières d’arriver en Martinique, une route sud et une au nord. À ce stade je ne sais pas laquelle on va prendre. On essaye de retarder au max le moment de faire ce choix tranché », explique Nicolas d’Estais, toujours bien positionné aux avant-postes, après une semaine de course. « Dans deux jours, il faudra se décider : aller au nord avec des phénomènes qui balayent la zone et avec une très grosse dépression, qui va sûrement avoir un nom. Ce phénomène permet d’aller vite, mais il est assez inquiétant. Donc la question est : est-ce que tu mises dessus, ou est-ce que tu choisis la sécurité », explique le co-skipper de Café Joyeux. Un bateau qui porte bien son nom ce matin lundi à l’heure du petit-déjeuner : « en terrasse, dans le cockpit avec une superbe vue, un beau lever de soleil, le bateau au portant et tous les indicateurs au vert. »

 

Preuve s’il en est, que le bonheur est toujours dans l’alizé. Et ce ne sont pas les Ocean Fifty qui diront le contraire, qui progressent au pas de trois à  21-23 nœuds de vitesse constante… 

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