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Édition 2023 14 novembre 2023 - 18h44

Questions pour un skipper, spécial moussaillons !

Alors que les skippers sont encore sur l’eau, des centaines d’élèves au Havre, en Martinique et partout en France suivent de près leurs aventures. "Comment dorment-ils ?", "Comment se repèrent-ils sur l’eau ?", "Pourquoi ils ne mettent pas le moteur quand ils n’ont pas de vent ?" Toutes ces interrogations qui fusent dans leurs têtes, nous avons décidé de les poser aux marins lors des vacations quotidiennes. Si la vérité sort de la bouche des enfants, les bonnes questions aussi !

L’une des raisons d’être de la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre est de transmettre aux générations futures les valeurs de la course au large tout en préservant son terrain de jeu : l’océan. Quoi de mieux que de faire interagir (presque) directement les enfants avec les skippers ! Depuis le début de la course, grâce au travail des enseignants et de leurs élèves, nous avons récolté les questions qu’ils se posaient. Chaque jour, nous appelons une quinzaine de bateaux pour avoir des nouvelles de leur course et de leur vie à bord. Nous en avons profité pour leur poser les questions de ces enfants. Ils se sont volontiers prêtés au jeu. 

 

LA grande question du sommeil

La thématique qui revient le plus parmi les plus jeunes est bien celle du dodo. "Combien de temps dormez-vous par nuit ?", "Comment faites-vous pour continuer les courses lorsque vous dormez ?", "Dormez-vous tous les deux en même temps ?"… 

Reposons quelques éléments de contexte. Sur la Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre, les skippers sont deux à bord. Le bateau, lui, avance, en permanence. Les marins s’alternent donc pour dormir. C’est ce qu’on appelle faire des "quarts".

Explications de Romain Attanasio (Fortinet - Bestwestern) :

"Il faut toujours qu’il y ait quelqu’un pour surveiller le bateau. C’est ça qui est bien à deux, c’est qu’on peut aller dormir tranquille 2 heures car on sait que l’autre est en train de surveiller. On dort mieux qu’en solitaire où là, il faut faire les deux en même temps et c’est jamais simple. On garde toujours un œil et une oreille ouverts tandis qu’à deux, on peut aller dormir tranquille."

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Ingénieurs en herbe

Sur les docks du Havre et bientôt dans la baie de Fort-de-France, les jeunes moussaillons ont l’occasion d’admirer ces engins des mers. Mais difficile parfois de s’y retrouver parmi les 95 bateaux. Alors rappelons que la transat Jacques Vabre Normandie Le Havre accueille quatre catégories de bateaux en fonction de leur taille :

Les Class40 = Bateaux de 40 pieds (soit 12,19 mètres)

Les Ocean Fifty = Bateaux de 50 pieds (soit 15,24 mètres)

Les IMOCA = Bateaux de 60 pieds (soit 18,28 mètres)

Les ULTIM = Bateaux de 70 pieds (soit 21,33 mètres)

4 catégories, ce sont 4 courses différentes et donc 4 duos de vainqueurs.

Reste que ces bolides intriguent…

C’est quoi un pilote automatique ? 

Explications de Erwan Le Draoulec (Everial)

"C'est un petit peu comme un ordinateur qui nous remplace à la barre. Il va suivre un cap donc si on lui dit d’aller plein sud, il va aller plein sud. Si on lui dit de rester travers au vent, il restera travers au vent et si le vent tourne il tournera aussi. Et d’ailleurs la nuit quand on ne voit rien il est souvent meilleur que nous."

En quelle matière sont faites les voiles ?

Explications de Maxime Sorel (V and B - Monbana - Mayenne)

"Les voiles sont faites en composite. C’est un alliage entre de la fibre et de la résine souple qui permet de les plier. C'est un peu comme la construction du bateau finalement. C'est assez lourd parce que y a une grande surface de toile sur ces bateaux mais c'est très résistant parce qu'il y a beaucoup d’efforts."

Comment font les voiles pour se déplier?

Explications de Thomas Coville (Sodebo ULTIM 3)

"D’abord pour les plier, on les roule sur elles-mêmes comme si on les mettait sur un rouleau et avec une ficelle (drisse), on arrive à rouler ces voiles et les descendre comme ça. Et quand on veut les envoyer (les hisser), on utilise la ficelle dans l’autre sens et on défait le rouleau et ça déplie la voile. On ne les plie pas comme des torchons ou des serviettes. Et on fait tout ça manuellement, il faut être tonique." 

Comment savez-vous où vous vous trouvez?

Explications de Fabrice Amédéo (Nexans Arts et fenêtres)

"C’est assez simple. Pour se repérer c’est comme le GPS de la voiture qui donne la position, nous c’est pareil, sauf qu’à la place d’avoir des rues, on a l’océan et on peut avoir des îles. Là, par exemple, je vois la position de mon bateau et l’île de Madère."

 

Et comment on fait quand il n’y a pas de vent ? 

On appelle ça la "pétole". Cela signifie qu’il n’y a pas de vent et que la mer est plate, sans vagues. Un vrai casse-tête pour les skippers qui veulent à tout prix avancer et doivent prendre leur mal en patience. 

Explications de Yoann Richomme (Paprec Arkea) :

"Quand il n’y a vraiment pas de vent, le bateau n’avance pas du tout. C’est très très rare, il y en a souvent un petit peu mais c’est très dur d’avancer. Il faut être très concentré mais on y arrive et si jamais il n’y a plus de vent, le bateau n’avance plus. Il faut attendre que le vent revienne. On n’a pas le droit d’utiliser le moteur, l’hélice n’a pas le droit de tourner. Il y a un plombage dessus, un petit témoin comme quoi l’hélice n’a pas tourné. Par contre, on a le droit d’allumer le moteur pour recharger les batteries. Donc il faut faire très attention à ce plomb car si on le casse on a une pénalité d’1h30 (c’est-à-dire, faire des ronds dans l’eau sans avancer sur le parcours pendant le temps de la, pénalité)."

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Et les déchets dans tout ça ?

En moyenne les skippers vont mettre entre 10 et 15 jours (voire plus) pour traverser l’Atlantique. Forcément ils vont accumuler quelques déchets avec les sachets de nourritures vides, les restes de bricolage, les lingettes pour se laver… Une règle d’or, rien ne va à la mer, les skippers sont unanimes. Alors on garde tout à bord. 

Explications de Manuel Cousin (Coup de pouce - Giffard manutention) :

"Il se trouve qu’on est parti avec très peu de sacs, seulement deux ! On a oublié d'en mettre, d’habitude je pars avec un peu plus. Evidemment, on ne jette aucun déchet à la mer ça va de soit. C’est 0 déchet à la mer. Donc on les met dans des sacs poubelles. Là, pour le coup, on bourre encore plus les sacs poubelles et une fois qu'on a un sac plein, on le ferme bien et on va le mettre à l'avant du bateau parce qu'au bout d'un moment il y a quelques odeurs forcément avec les déchets de nourriture. Quand on arrivera dans les îles, on les jettera à la poubelle."

Si les marins ne jettent rien par-dessus bord, les déchets eux circulent bien en mer. Pourtant, les skippers n’en voient pas forcément à la surface et pour cause, ils sont souvent plus profonds voire disséminés de manière microscopique.

Explications de Maxime Sorel (V&B - Monbana - Mayenne)

"Généralement, les déchets on en voit peu. Je me rappelle sur le Vendée Globe en 2020, j'ai vu une toute petite ficelle qui était dans mon safran que j'ai ramassée, mais sinon je n’ai rien vu de tout le tour du monde. C'est bien malheureux parce qu'en fait il faut savoir que 80% des déchets sont sous l'eau et pas à la surface, donc il ne reste que 20% des déchets à la surface. Là où on passe généralement il n’y a pas beaucoup de concentration de déchets, parfois au Pot-aunoir on peut en voir."

Explications de Guirec Soudée et Roland Jourdain (Freelance.com)

"On ne voit pas beaucoup de déchets comme on en a l’habitude. Ce sont surtout des micro-plastiques qui se trouvent à la surface et qui polluent. Et il y a une autre raison : on est tellement concentré sur la course, on passe beaucoup de temps à l’intérieur, à la barre, sur l’ordinateur, la tête en l’air pour regarder les voiles qu’on ne voit pas grand-chose ! On n’a pas vraiment le temps de contempler ce qui nous entoure, les oiseaux, les poissons volants…"

 

Entre copains, c’est mieux 

A bord le duo est formé du skipper qui reste le capitaine et du co-skipper, son second. Mais ce binôme ne peut fonctionner que si leur relation est basée sur l’échange et bien souvent la complicité.

Explications de Manuel Cousin (Coup de pouce - Giffard manutention)

"Quand on doit prendre une décision sur la météo, un choix de voile ou autre, on en discute. J'essaie de voir vraiment le point positif. J'essaie de ne pas dire "c’est moi le skipper, c’est mon bateau, je décide", ça c'est pas trop ma façon de faire. J’essaie aussi de voir, avec l'expérience de chacun, et au bout du compte, on arrive toujours à trouver un compromis et se décider. L'important c'est que chacun soit d’accord avec la décision finale." 

"Je suis docile" glisse alors habilement son co-skipper Clément Giraud en plaisantant !

 

NB : Merci aux élèves de l’école élémentaire Antoine Lagarde à Sainte-Adresse, près du Havre, et à ceux de l’Académie de Martinique d’avoir participé.

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