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02 novembre 2023 - 18h17

Une longue nuit d’attente…

La tempête Ciaran a tenu ses promesses. Des vents à 164 km/h au plus fort à Lorient, et des rafales à plus de 130 km/h sur le bassin Paul Vatine au Havre. La bonne nouvelle, c’est que l’ensemble de la flotte s’en est sortie sans souci majeur. Une nuit d’angoisse et de veille, que les skippers nous ont racontée ce matin.

Difficile de joindre les marins à la vacation de 11 heures. Les coupures d’électricité et de réseau limitent les communications, sans compter ceux, comme Guirec Soudée, qui sont en train de déblayer les arbres tombés dans leur jardin. 

Si la tempête a épargné les bateaux, elle a laissé des traces à terre "On l’a bien entendue, nous confie Alan Roberts (l’Occitane en Provence) resté à Lorient. J’ai vu pas mal d’arbres tombés sur la route en allant voir les Class40." "C’était sport en effet", confirme Kieran Le Borgne (Google Chrome) après avoir bataillé pour se connecter. 

Suées nocturnes

Hier, à Lorient, les équipes avaient tout prévu : doubler les amarres et enlever certaines voiles pour éviter la prise au vent. Il restait à attendre, patiemment, fébrilement, à chaque rafale. "On a essayé de rester jusqu’au début de la dépression, raconte Hervé Jean-Marie (Martinique Tchalian), s’assurer que tous les bateaux allaient bien. Quand on a vu que ça tenait, on est allé se mettre à l’abri". Les équipes techniques ont alors pris le relais. "Pas mal de préparateurs de bateaux ont dormi à bord, explique Aurélien Ducroz. On avait un petit compte-rendu, toutes les heures, de la situation. Il y a eu des rafales à plus de 80 noeuds dans le port". Le skipper de Crosscall s’est ensuite rendu à la Base pour vérifier son bateau. Les prochains jours s’annoncent bien musclés, eux aussi. 

Sur Google Chrome, c’est une affaire de famille. Le père de Kieran Le Borgne, également directeur technique, s’est dévoué pour rester à bord, tandis que son fils n’a pas fermé l’oeil. "Avec le stress du bateau, j’ai pas dormi, confie Kieran, on était un peu exposé en plus. Ce serait dommage qu’il arrive quelque chose, sans même être en mer." Sur les pontons, la solidarité a joué à bloc entre Class40 et Ocean Fifty, chacun veillant sur l’autre, en faisant sa ronde. 

Résultat, aucun incident majeur à noter, juste quelques égratignures : "on a une girouette de cassé, raconte Charlotte Cormouls-Houle (le Bleuet de France), c’est un moindre mal, on est soulagé"."Depuis nos lits douillets, on se disait "heureusement qu’on n’y ait pas allé", poursuit sa coéquipière Claire-Victoire de Fleurian, ça aurait été très dangereux".

Au Havre, le bassin Paul Vatine s’était transformé en élevage de moutons. Les vagues et leurs crêtes blanche s’engouffraient, faisant grimper le niveau de la mer d’un mètre. Les IMOCA, amarrés face au vent, ont tenu bon, mais ont été sacrément ballottés. Là encore les équipes techniques ont veillé au grain. "Mon frère a dormi sur le bateau, raconte Antoine Cornic (Human Immobilier) je l’ai eu il y a 5 min (vers 11h15), il y a toujours 60 noeuds dans le port. La nuit était rock’n roll".

Garder le lien avec son alter-ego

Ces sueurs froides, les navigateurs les partagent inévitablement à deux. "Avec Clarisse, on s’appelle régulièrement, on s’envoie des petits messages, on regarde la météo, détaille Alan Roberts. C’est un peu comme pendant le COVID, où tu es forcé de faire une petite pause, et ça fait du bien, même si on a très envie d’être sur l’eau".

Pour le binôme Google Chrome, issu du concours Du Virtuel au Réel, et qui donc ne se connait que depuis quelques mois, c’est l’occasion de renforcer les liens. "Basile n’a pas pu rentrer à Gap, raconte Kieran, donc il est encore dans le coin, du coup, on continue de forger notre duo."

Antoine Cornic et son co-skipper Jean-Charles Luro sont tous les deux rentrés à La Rochelle. "On a fait du sport ensemble ce matin. Cette nuit, on s’est appelé 5 fois". Un retour à la maison qui implique aussi de se réinsérer dans le quotidien de ses proches, alors qu’on devrait naviguer "Ils sont d’abord contents de ne pas nous savoir en mer dans la tempête, reconnaît le skipper de Human Immobilier. Après, on prend une place qu’on n’avait plus, donc il faut reprendre des habitudes, emmener les enfants ici, promener le chien… ça revient très vite".

Pour Claire-Victoire de Fleurian et Charlotte Cormouls-Houle (le Bleuet de France), la sensation est un peu bizarre. Cette première manche les a fait revenir à la maison, à Lorient. "Il y a deux semaines, on faisait un pot de départ avec plein d’amis en se disant, on se revoit qu’en décembre et en fait, deux semaines plus tard, on est de retour (rires)."

L’occasion de partager leurs premiers souvenirs, leurs premières angoisses et recharger les batteries en vue de la reprise de la course.

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