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Best of arrivées Édition 2023 22 novembre 2023 - 12h40

Une résilience à toute épreuve

Passer la ligne d’arrivée d’une transatlantique est souvent plus symbolique qu’être bien classé. La Route du café ne fait pas exception. Traverser les fronts, casser une bôme, tomber malade, sont autant d’obstacles que les skippers ont dû franchir sur cette 16ème édition et qui rendent encore plus savoureuse leur arrivée en baie de Fort-de-France.

Lorsque la vedette de l’organisation vient à la rencontre de Prysmian Group, seul Gaston Morvan s’affaire aux manœuvres. Le matin même, l’équipe a annoncé que Giancarlo Pedote était victime de vertiges, de fortes fièvres, de déshydratation et incapable de se tenir debout dans le bateau. Ce n’est qu’à quelques mètres de la ligne que l’Italien se montre, très fatigué.

"Quand il m’a dit "je te débarque", j’ai serré les dents"

A bout de forces, il fond en larmes dans les bras de Gaston qui l’aide à monter sur le cockpit pour passer la ligne d’arrivée, ensemble. 

"A 1300 milles de l’arrivée, je ne sais pas ce qui m’est arrivé", tente de raconter Giancarlo Pedote (Prysmian Group) au ponton. "C’était pas un truc suite à une grosse fatigue. On avait passé le front, la dorsale, on était reposé. Là, j’ai clairement eu une coupure de lumière, des pointes de fièvres à 40, plusieurs fois. La nuit, j’avais froid, j’avais chaud, j’avais froid. Quand Thierry (Charland, médecin de la course) m’a dit "je te débarque", j’ai serré les dents. Après je n’étais pas utile, j’ai laissé Gaston faire les quarts tout seul et ça m’embêtait un peu qu’on n’ait pas pu faire la bagarre jusqu’au bout avec Guyot mais avec la fièvre que j’avais c’était impossible." Gaston Morvan prend alors le lead à bord. "Naviguer en solitaire sur un IMOCA je ne l’avais jamais fait, c’était pas trop prévu comme ça". 

Se sentant impuissant face à la maladie de Giancarlo, Gaston va alors tout faire pour prendre soin du bateau et le mener à bon port. La définition même du double, bien plus qu’un schéma sportif.

© Agence Effets Mer / Groupe APICIL
La bôme cassée de Groupe Apicil

"On se dit merde, pourquoi s’arrêter là, c’est pas possible"

Si la maladie reste un cas rare à bord, la casse, elle, est le pire des cauchemars. Le lendemain du départ des IMOCA, alors que Groupe APICIL évolue dans le groupe de tête à la 5e place, au large de la pointe bretonne, la bôme du monocoque se rompt. Un coup d’arrêt brutal qui oblige les deux skippers à s’arrêter à Lorient. "On se dit merde pourquoi s’arrêter là, c’est pas possible, on a fait un super début de course" raconte Laurent Bourguès après son arrivée. "On a passé le plus dur du front, on commençait à vraiment s’éclater et ça ne pouvait pas s’arrêter là". Grâce à leur équipe mais aussi à la team Guyot environnement -Water Family de Benjamin Dutreux, Damien Seguin et Laurent Bourguès repartent en moins de 14h. "On n’avait pas le choix, il fallait faire cette course, repartir et la terminer. On avait d’autres objectifs devant nous" soutient Damien Seguin. À partir de là, la partition sera parfaite. Milles après milles, ils grapillent des places pour terminer 15ème. "Cette remontada, on la dédicace à l’ensemble des équipes techniques qui ont œuvré pour qu’on puisse partir" remercie Damien Seguin devant son bateau à Fort-de-France. 

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"On s’est battu jusqu’à la fin"

Et puis il y a ceux qui, bien qu’audacieux, ont joué de malchance. Sébastien Simon et Iker Martinez (groupe Dubreuil) font partie des tous premiers à opter pour l’option de la route nord dans l’Atlantique. Malheureusement, 48h plus tard, ils déchirent leur grand-voile. "On a passé des heures et des heures à essayer de réparer et ça redéchirait", raconte Sébastien Simon. "Les conditions n’ont pas vraiment été avec nous et pourtant le début de course était incroyable"

Leurs ambitions tombent à l’eau, mais il faut continuer de progresser, coûte que coûte. Leur résilience est telle qu'ils arrivent à tenir la cadence face aux concurrents jusque dans la baie de Fort-de-France. "On s’est battu jusqu’à la finForcément il y a un peu de frustration mais aussi beaucoup de plaisir parce que l’histoire ne fait que commencer", veut positiver Sébastien Simon dont le projet est encore tout frais. "Je suis persuadé que l’avenir nous réserve plein de belles surprises."

Résilience dans toutes les classes

Si le soulagement est désormais de mise pour ces IMOCA à quai, en Class40, bon nombre de skippers, toujours en mer, ont eux aussi eu leur lot de désillusions. Après avoir démâté entre le Havre et Lorient, Crédit Mutuel a finalement pu repartir et caracole, pour l’instant, dans le trio de tête de cette deuxième manche. Legallais, le Bleuet de France, Trimcontrol ont eux aussi été victimes d’avaries. Ils ont su trouver la force et la motivation nécessaires pour reprendre la mer. Mais la plus belle preuve de résilience chez ces monocoques vient bien d’Alexis Loison sur La Manche #Evidence Nautique. Victime d’une possible fracture au poignet, il a quand même décidé, après des examens médicaux à la Corogne, de continuer cette Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre pour finir le job !

Enfin, parmi toutes ces courageuses histoires, si on ne devait en retenir qu’une, c’est bien celle de Tanguy Le Turquais et Félix de Navacelle. Après avoir tapé un OFNI dans la Manche, leur bateau Lazare est victime d’une importante voie d’eau. Ils se déroutent en urgence vers Lorient. Un contre-la-montre gigantesque s’engage pour colmater la fuite. Six jours plus tard, les skippers reprennent la mer. "Mon objectif, c’est bizarre de dire ça, mais c’est celui de terminer dernier de la Transat Jacques Vabre. C’est juste l’image de ne pas baisser les bras. Pour Lazare, mais au-delà de ça, pour les gens qui nous suivent, qui ont participé au projet, ça met en lumière des valeurs qui aident les gens dans leur quotidien." conclut Tanguy Le Turquais. Et comme pour se donner du courage, le sticker rose du bateau n’a pas été remis. A la place, 10 lettres ont été peintes sur la coque :  RESILIENCE.

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