Tom Laperche, à bord de SVR Lazartigue
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Édition 2023 03 novembre 2023 - 11h46

La flotte s’envole, à tir d’alizés

« Todo Bem »… Beau temps, belle mer, et tous les indicateurs au vert pour la flotte des cinq ULTIM qui cavale vers le Cap Vert qu’elle devrait doubler dans les prochaines heures. Le Maxi Banque Populaire XI, après avoir pris, hier, la tête de la flotte à Madère, ouvre toujours la marche à des vitesses de l’ordre de 35 nœuds et continue de creuser des écarts. Dans des conditions favorables aux belles enjambées - ou plutôt aux grandes envolées - les duos s’efforcent de tirer le meilleur de leurs formidables machines qui n’en finissent pas de nous impressionner au fil de leur descente express de l’Atlantique Nord. Dans ce contexte de régate océanique, le mode pilotage est activé dans les alizés. Et la chasse au leader ouverte, rythmée par le Pot-au-noir (Zone de convergence intertropicale), dont le passage est prévu dès demain en direction des îles São Pedro et São Paulo.

« Le jour se lève, c’est chouette, on est en tee-shirt avec le petit ventilateur dans la bannette, il y a 1,5 mètres de vagues, il y a 20 nœuds minimum jusqu’à 25-27 nœuds, le bateau file à pleine allure, il gigote, il retombe violemment, bref un comportement normal. » À bord d’Actual Ultim 3, Anthony Marchand plante le décor en approche  des 20° de latitude Nord. À travers ses mots, on comprend  qu’en dépit de la « tempête de ciel bleu » qu’il nous décrit, pas question de lâcher la garde. Ce ne sont pas les vacances, loin de là. 

 

Le petit stress des hautes vitesses

« Il y a un côté stressant », confirme celui qui peut néanmoins compter sur la belle complicité partagée avec Thierry Chabagny, pour s’accrocher et tenir le rythme imprimé par ses prédécesseurs au classement, qui ont tous l’avantage d’un surplus de vitesse, dû à leur jeunesse. « Tout à l’heure, on a fait une pointe à 44 – 45 nœuds. Il y a tout qui vibre, ça craque, tu sens que le bateau fait des efforts, il lève la patte de temps en temps, sur une coque très haut (...) C’est pas mal de réglages, de stress. On se met dans le siège de veille, on a une roue qu’on passe notre temps à actionner pour gérer l’assiette, nous sommes en mode pilotage et sous pilote automatique. On gère l’altitude de vol. »  

En troisième position, le duo de SVR Lazartigue, qui a cédé les commandes de la flotte au passage de Madère, n’est pas en reste. A ce niveau de jeu, quand les écarts se font et se défont aussi vite que ces ULTIM progressent sur la route, le diable se niche dans les détails. En liaison continue avec Jean-Yves Bernot et leur cellule de routage concarnoise, François Gabart et Tom Laperche, qui concèdent un peu plus de 90 milles sur les leaders du Maxi Banque Populaire XI, ont du grain à moudre. D’autant plus que Sodebo Ultim 3 progresse en embuscade,  tout près en distance au but, sur une route légèrement décalée à l’est. 

«  Avec François, on  se croise plus, parce que les quarts durent moins longtemps pour qu’on soit alerte au max », raconte Tom, qui convient que dans cette course de vitesse, l’un des premiers enjeux consiste à dessiner une trajectoire de haute précision. « En ce moment, les échanges sont soutenus avec les routeurs, là on parle plus de l’alizé, de ses variations, car on pense toujours que les alizés c’est facile, que ça va tout seul, mais c’est parfois variable, il faut empanner, manœuvrer », poursuit le jeune marin-pilote. Sur la carto, on constate en effet qu’à bord du géant bleu monochrome, la matinée a été rythmée par un petit contre-bord pour se recaler dans le sillage de ses prédécesseurs sur un route en direction de l’ouest du Cap Vert, en vue d’en éviter les dévents dans un régime de nord-ouest établi à une petite vingtaine de nœuds.

 

712 milles en 24 heures pour le Maxi Banque Populaire XI

Et ce matin, une certitude l’emporte : celle de la belle homogénéité de cette flotte d’exception, où tous les coups tactiques sont permis alors que les tandems maintiennent des vitesses moyennes de 30-35 nœuds avec une agilité déconcertante.  Ce ne sont pas Charles Caudrelier et Erwan Israël, qui diront le contraire, bien dans le rythme en 2e position, à bord du Maxi Edmond de Rothschild. Contenir les assauts de ses poursuivants,  et surtout l’échappée belle du Maxi Banque Populaire XI qui a avalé 712 milles sur ces dernières 24 heures, c’est tout l’enjeu de ce chasseur se sachant chassé, lancé aussi pied au plancher. 

Cap sur la zone de convergence intertropicale que les uns et les autres se préparent à doubler demain plutôt dans l’ouest, alors que cette Transat Jacques Vabre Normandie Le Havre se déroule comme dans les livres dans le camp des cinq ULTIM, dont la route s’égrène au rythme des archipels. Après le Cap Vert aujourd’hui, ils sont attendus dès dimanche au passage de  São Pedro et São Paulo, ces îles et cailloux brésiliens perdus au beau milieu de l’Atlantique, aux abords immédiats de l’équateur. Preuve s’il en est que ça va vite, très vite pour ces maxi-multicoques volants…

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