La flotte immobilisée à Lorient © Vincent Curutchet / Alea
Départs Édition 2023 03 novembre 2023 - 18h22

Mais c’est quoi ce bazar dans le ciel qui gâche la fête ?

Il faut bien le dire, Éole (dieu du vent) n’est pas vraiment coopératif avec nos marins depuis une semaine. Il est même plutôt ronchon, envoyant tour à tour, Ciaran, Domingos et qui sait d’autre, sur nos côtes. Cette météo plus que capricieuse, Christian Dumard, météorologue de la course, ainsi que Pierre Le Roy (Monnoyeur - Duo for a Job), Yoann Richomme (Paprec Arkéa) et Julien Villion (Teamwork.net) nous l’ont expliquée, histoire d’y voir un peu plus clair.

C’est la saison des tempêtes ! Mais tous les météorologues s’accordent sur ce point, la force de Ciaran était inhabituelle. Une nouvelle dépression va toucher le Sud-Ouest de la France ce week-end, virulente elle aussi. Regardons de plus près ces phénomènes météos qui ont immobilisé la majorité de la flotte. 

 

Pourquoi les dépressions sont-elles si violentes ?

Pour mieux comprendre les enjeux, reprenons du début. C’est quoi une dépression ? 

"C’est une machine à diffuser de la chaleur, explique de manière pédagogique Pierre Le Roy (co-skipper sur Monnoyeur - Duo for a Job et météorologue à Météo France). Pendant toute la période estivale, il y a eu pas mal de chaleur qui s’est accumulée sous les tropiques. Là, elle remonte gentiment vers nous et les dépressions sont les phénomènes météo qui vont permettre de dissiper cette chaleur." 

En résumé, l’air chaud et humide en altitude, additionné à un vent fort (le jet stream ou courant-jet en français), sont les deux carburants dont se nourrissent les dépressions. Pour Ciaran, tous les indicateurs étaient alignés pour que la dépression se creuse de plus en plus et donc deviennent de plus en plus forte. 

Faut-il y voir un lien avec le réchauffement climatique ? Sans doute, en tout cas, la question est posée et fait gamberger. "Dès qu’on a une météo particulière sur une transat maintenant, on fait le lien, ce qui est plutôt bien, avance Pierre Le Roy. Ces problématiques-là sont entrées dans la tête des gens".

 

Pourquoi est-ce dangereux pour les bateaux ? 

Première chose à savoir, ce n’est pas parce qu’il fait beau le jour du départ que les bateaux peuvent partir en toute sécurité. Dimanche dernier, alors que la tempête Ciaran n’avait même pas encore été baptisée, la direction de course avait déjà observé le phénomène et compris sa force : trop dangereux pour les marins. "On ne les envoie pas avant, car, s’ils cassent, ils vont se retrouver dans du très très mauvais temps, les vagues seraient colossales, argumente Christian Dumard. Et on ne les envoie pas juste après, parce que la mer reste encore mauvaise. Il faut un peu de temps pour que la houle se calme."

Alors il y aura toujours l’argument : mais ce sont des bateaux fait pour faire le tour du monde ? Ils en affronteront d’autres ? Certes, mais la gestion d’une dépression près des côtes ou en pleine mer n’est pas la même pour les marins comme l’explique très bien Yoann Richomme (Paprec Arkéa) : "Dans les mers du Sud, quand on voit une tempête à 70 - 80 noeuds passer, on affale les voiles ou alors on attend qu’elle passe devant. De toute façon la côte est à 5 000 km, on n'est pas près d’aller s’échouer sur la plage. Alors que là, on n’a pas le temps de s’écarter du continent européen, et en cas de problème technique, on s’expose à une dérive qui nous emmène sur les côtes rapidement et une mise en danger immédiate."

 

Comment trouver LA bonne "fenêtre météo" ? 

Pour partir, plusieurs paramètres entrent en ligne de compte, tant en mer, qu’à terre. Il faut, bien sûr, des conditions météos favorables comme l’explique Julien Villion (Teamwork.net) : "on ne cherche pas à trouver des routes qui nous emmènent au soleil à tout prix ! Il faut d’abord pouvoir mettre 40 IMOCA dehors et donner un départ. Ensuite, il faut qu’on ait une sortie de Manche et un début de course qui, même si on traverse des conditions épiques automnales, reste avec des dépressions maniables et supportables pour nos bateaux. Après, ça permet déjà d’avoir le curseur assez élevé."

Mais n’oublions pas non plus, le dispositif à terre : autorisation des ports, sécurisation en mer, passage des écluses, horaire de sortie des cargos et des pêcheurs… Tous dépendants, eux aussi, et inévitablement, de la météo.

Partager