Le duo Pip Hare et Nick Bubb
Imoca
Édition 2023 26 octobre 2023 - 09h27

Pip Hare : "Je suis heureuse et fière de notre duo britannique"

La navigatrice britannique Pip Hare a réalisé une belle saison 2022, sa première avec son nouveau bateau Medallia. Elle a terminé 13e de la Vendée Arctique et 12e de la Route du Rhum Destination Guadeloupe. Depuis, elle a profondément rénové son modèle VPLP/Verdier, anciennement Banque Populaire, vainqueur du Vendée Globe 2016-17. Une étrave remodelée et légèrement plus arrondie, des foils nouvelle génération et des modifications sur les ballasts ont considérablement amélioré les performances du bateau. Mais pour y parvenir, Pip Hare a du consentir à mettre son bateau hors-service jusqu’au début de l’été avant de prendre le départ de la Rolex Fastnet Race dans des conditions dantesques où elle a tenté, avec son co-skipper Nick Bubb, de rattraper le reste de la flotte IMOCA. La Britannique est certes plus âgée et plus prudente que lorsqu’elle a commencé – et terminé – le Vendée Globe 2020-21, mais elle n’en est pas moins pétillante, de bonne humeur et passionnée.

Moins de quatre jours avant le départ, comment te sens-tu ? 

Pip : Je suis étrangement calme. J'apprends. Il y a un an, à la même époque lors de la Route du Rhum, j’étais épuisée. Je n’arrivais pas à gérer tout le bruit et l’ambiance sur place. Ici c’est moins intense, l’agencement est différent, on peut entrer et sortir du village, ça aide. Même si je dois être présente, je fais des demi-journées. Nous sommes une petite équipe donc je me dois d’être là. Je reste à Honfleur. Hier j'ai couru 20 km dans l’après-midi. Tout ça aide. Et Honfleur est magnifique.

Et par rapport au dernier Vendée Globe, tu as une équipe beaucoup plus nombreuse et un programme plus exigeant, comment cela se passe-t-il pour vous ? 

Ça se passe bien. Ça a été un long chemin pour nous tous. Nous avons dû apprendre beaucoup de choses. J'ai vraiment dû apprendre quelles étaient ma place et mon rôle, qui n'est pas – apparemment – de bidouiller sur mon bateau ! (rires). Pour le faire, j’attends juste que tout le monde soit rentré chez soi car c’est vraiment important pour moi. C’est comme ça que je prends confiance, en démontant les choses et en les réparant. J'ai besoin d'avoir confiance en mon bateau et c'est pour ça que je navigue, encore et encore. En même temps, je ne peux pas empêcher l’équipe de faire son travail. C’est important aussi pour moi et pour l’équipe de permettre aux plus jeunes d’acquérir de l’expérience et des connaissances. L'une des choses dont je suis vraiment fière au sein de notre équipe est que nous n'avons eu aucun turn-over en deux ans.

Quels sont les avantages et les inconvénients d’être une équipe basée en Grande-Bretagne ? Tu avais parlé de déménager en France à un moment donné mais tu es restée dans ton port d’attache de Poole ? 

Je suis heureuse et fière de notre duo britannique mais c'est dur. Nous avons tellement de nouveaux skippers britanniques talentueux qui arrivent. Mais les personnes qui se forment au Royaume-Uni doivent aller progresser dans de plus grandes équipes. Et la seule façon d’y arriver c’est de se rendre disponible et être présent au Royaume-Uni. Nous passons à côté de tant de choses en restant sur notre île. Par exemple, il s’est passé beaucoup de choses autour des règles de mâts et la première fois qu’on en a entendu parler c’était par mail. Si nous avions été à Lorient, avec toutes les autres équipes, nous aurions été au courant. Nous passons à côté de tout ce puits d’information et de connaissances, des interactions quotidiennes avec les autres équipes. Et ça me manque vraiment de naviguer avec d'autres IMOCA. Mais nous avons maintenant quelques bateaux au Royaume-Uni comme Clarisse. C’est à moi maintenant de faire l'effort. L'alternative est de naviguer jusqu'en Bretagne et de s'entraîner sur l'eau. Il me faut environ 14 heures pour arriver à Ouessant donc c'est faisable !

Le duo Pip Hare et Nick Bubb © Jean-Marie Liot / Alea

Et avec tous les changements apportés au bateau, où en es-tu de ton apprentissage ? 
Je pense que j'ai atteint le stade où je peux gérer le bateau en toute sécurité et je sais comment le faire aller vite, mais il me manque encore les derniers 10%. Ceux que je dois encore apprendre. Il y a énormément d'enseignements à tirer des courses à venir. Il ne s'agira pas de pousser trop les bateaux, les enseignements viendront de la gestion de la vitesse sur la durée, c’est important pour les courses plus longues. Il s'agit davantage de renforcer la fiabilité du bateau et découvrir les problèmes. Ces éléments sont extrêmement importants pour la suite du programme. On a toujours misé sur la sécurité, la stabilité et la fiabilité, avant de penser à la vitesse.

Tu as obtenu de bons résultats sur les principales courses IMOCA l'année dernière, comment abordes-tu cette nouvelle course ? 

Ma définition du succès c’est qu'il ne faut pas se contenter de regarder les chiffres, il faut un résultat sur l’eau. Pour nous, nos adversaires ce sont les bateaux similaires au nôtre, c'est-à-dire Damien (Seguin), Giancarlo (Pedote), Benjamin (Ferré). Il faut réussir à aller de l'autre côté, évaluer ce qui n’a pas été et faire la liste de ce que nous devons changer. Il s'agit d’engranger des données que je pourrai intégrer dans mon carnet de bord, dans les paramètres du pilote. Comme toujours, ma définition du succès est aussi de raconter une très bonne histoire dont mes sponsors sont fiers et que les gens suivent, et de promouvoir le sport auprès d'un public plus large d'une manière humaine et accessible. Mais je ne veux pas d'une mauvaise place... J'ai déjà eu un résultat catastrophique sur la Rolex Fastnet Race (26ème), j'ai coché cette case et je n’ai pas envie de recommencer. Avec tout ce qui s'est passé, on ne m’y reprendra pas, croyez-moi.

Pourquoi as-tu choisi Nick Bubb comme co-skipper, quelles sont ses principales qualités ? 

Nick a un bon pedigree en course au large, même s'il date d'il y a quelques années. Il a un bon sens marin et une bonne compréhension de la mer. Je voulais un co-skipper britannique pour renforcer l’identité du projet. Nous avons navigué autour de la Grande-Bretagne et de l'Irlande l'année dernière avec un équipage de quatre personnes. Il est fort, il a une grande éthique de travail. Surtout pour quelqu'un comme moi qui s'est battue toute sa vie pour arriver là où je suis,. Quand vous me mettez au milieu d’un équipage d’hommes, j'ai tendance à être mise de côté. Je voulais une équipe mixte. Une course comme celle-ci s'y prête. Nick est plus musclé, a plus de force, ce qui nous permet de faire les choses plus rapidement et avec plus d'énergie. Il faut aussi s'assurer que je travaille avec quelqu'un qui ne va pas me faire de l'ombre et qui va me permettre de faire mon travail et d'être le capitaine de mon propre bateau.

Quels sont les moments clés sur ce long parcours vers Fort de France ? 

Le fait de traverser deux fois l'équateur rend ce parcours plus long et différent. Plus c'est long, mieux c'est. Je pense que je réussis mieux dans ce genre de courses. J'espère ne pas refaire ce que j’ai fait en 2015 en Class 40, avec quelque chose comme 26 jours, une course qui n’en finissait pas. J’espère que ça ne sera pas aussi long (rires).

Les étapes clés c’est d’abord de sortir d'ici et il me semble que nous allons avoir une bonne vieille baston. On l’a déjà expérimentée sur la Rolex Fastnet Race et ça nous a donné confiance. Je n'ai pas vraiment navigué dans une grosse mer avec mes foils actuels. C'est une chose à laquelle il faut penser. Ensuite, traverser le Pot-au-noir par deux fois sera la clé. Ce sera un parcours amusant et je me réjouis de pouvoir naviguer sur ce nouveau tracé.

Comment te sens-tu au sein cette flotte IMOCA record ? 

Je pense que c'est génial, l'IMOCA est à son apogée en ce moment. Et dans la flotte, il y a des marins et des bateaux absolument extraordinaires. Sur cette course, nous montrons au monde entier pourquoi nous sommes au sommet de ce que nous faisons. Je suis fière d'en faire partie. Et je suis toujours en admiration devant les "grands" de notre flotte. 

Si l'on considère ce qu'il te reste à accomplir jusqu'au Vendée Globe, comment se présente ton budget ? 

C'est certainement très difficile. Medallia est fantastique et nous soutient, mais nous avons perdu deux sponsors - en raison des conditions du marché dans leurs secteurs respectifs - et nous devons vraiment les remplacer. Nous avons des options, des opportunités....

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